Greg Lecoeur, un photographe pour la protection des océans.

The SeaCleaners - Greg Lecoeur

“J’utilise la force des images pour raconter des histoires sur l’océan.” 

 

Depuis combien de temps exercez-vous cette profession ? 

J’ai toujours été un passionné de plongée, de photographie et de biologie marine. Tout jeune, je me suis donc naturellement tourné vers la photographie sous-marine, en tant qu’amateur, et ai fait mon chemin en tant qu’autodidacte.

Il y a une dizaine d’années, j’ai décidé de prendre un nouveau virage et de changer de vie. J’ai tout plaqué en France pour faire un tour du monde, avec mon sac à dos et mon appareil photo, et quand je suis revenu de ce voyage, j’ai décidé de faire de ma passion mon métier.

Ce tour du monde a été une prise de conscience sur ce que vous vouliez faire de votre vie ? 

Ça a été une vraie révélation, de par les différents pays ou océans que j’ai pu découvrir, les rencontres humaines que j’ai faites, et les rencontres sous-marines. Je suis parti de la France sans savoir de quoi l’avenir serait fait, mais c’était un rêve qui se réalisait et je ne voulais pas me retourner plus tard en me disant “je n’ai pas essayé”. Et aujourd’hui, je suis photographe professionnel. J’ai compris que dans la vie, il est important de se donner les moyens de réussir, de se donner les moyens de réaliser ses rêves. On peut échouer, mais au moins, on aura essayé. Et en général, quand on fait ce que l’on aime, ça marche !

Durant ce tour du monde ou lors de vos différents voyages, avez-vous été témoin de la pollution plastique dans les océans ? 

Que ce soit dans l’eau ou à terre, on voit forcément la patte de l’homme dans la nature. Le plastique est un grand fléau pour les océans. Tous les déchets se retrouvent dans la mer et les espèces marines en sont fortement impactées. Je me souviens de cette photo que j’ai pu faire en Indonésie d’un poisson grenouille des sargasses qui nageait au milieu des déchets. Les animaux doivent s’adapter à ce nouvel environnement pollué.

Lors de mes tournages, j’ai vu beaucoup de filets abandonnés, des tortues prises au piège par des sacs plastiques ou des bouts, en Méditerranée.

Mais j’aime surtout montrer avec mes photos des exemples positifs. Je considère que mon travail, aujourd’hui, est d’émerveiller le grand public avec des images qui montrent la beauté de l’océan, pour les sensibiliser à cet environnement. Et certaines actions redonnent également de l’espoir : le moratoire de 1986 sur l’interdiction de la chasse aux baleines par exemple, qui a permis à cette espèce de revenir à son stock initial. Il est encore temps d’agir, de prendre des décisions importantes et de faire bouger les choses.

                     

 

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Poisson grenouille des Sargasses, @Greg Lecoeur

Et d’après vous, quelles sont les solutions pour contrer ce fléau ? 

Je pense que la solution pour la pollution plastique passe principalement par l’éducation et le changement des modes de consommation. Les industriels qui produisent du plastique peuvent produire avec des matériaux alternatifs ou recyclables. Quant à nous, en tant qu’individus, nous devons consommer différemment et intelligemment.

Quelles sont les règles à respecter en photographie sous-marine, pour respecter au mieux l’environnement et les espèces qu’il abrite ? 

Quand on s’invite dans le milieu marin, il est important d’y aller avec un maximum de respect pour les espèces qui nous entourent, et un minimum d’impact sur l’environnement. Il ne faut pas aller dans l’eau avec l’intention de sortir un cliché à tout prix, mais laisser faire la nature et capter le bon moment. Pour cela, il faut connaître les espèces, bien se documenter avant une session, afin de savoir comment elles vivent et se comportent. Et c’est comme ça qu’on arrivera à raconter une histoire avec une photographie. Pour moi, une photo ne se vole pas, elle se fait naturellement, et ne doit pas avoir besoin de légende pour être comprise. Mes plus belles photos sont le résultat d’une situation ou d’une rencontre à laquelle je ne m’attendais pas.

Comment se prépare un shooting sous-marin ? 

On doit déjà savoir quelles espèces ou familles d’espèces photographier ; leurs habitats sont différents et vont donc déterminer si l’on doit partir au large ou rester le long d’un récif. Et forcément, on part avec une idée de photo en tête, mais cela ne se passe jamais comme prévu. Mais souvent, on revient avec des images différentes, qui en sont d’autant plus belles. C’est le piège dans lequel tombent beaucoup de photographes animaliers : ils s’obstinent avec leur idée de départ et loupent ce qui se passe autour d’eux.

Il faut beaucoup de patience, mais la passion prend vraiment le dessus. Certains shootings peuvent être frustrants : on peut partir en mer dans des mauvaises conditions et ne rien voir, jusqu’au moment où une situation parfaite va se présenter à nous, si l’on s’arme de patience. La nature n’est pas une science exacte. En tant que photographes sous-marin, nous sommes dépendants des animaux et de l’environnement, mais finalement, on ne s’ennuie jamais, et on trouve toujours une situation intéressante à photographier !

Et que préférez-vous photographier ? 

J’aime tout ! Du plus petit organisme comme le plancton, jusqu’aux baleines. Quand on s’intéresse aux animaux, on se rend compte qu’ils ont tous des choses très intéressantes à offrir. Leur mode de vie, leurs formes, leurs couleurs… Un petit organisme peut être aussi intéressant à photographier qu’une baleine, un requin ou une tortue.

 

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Baleine à bosse, @Greg Lecoeur
Quel est le shoot qui vous a le plus marqué ? 

L’endroit le plus incroyable que j’ai exploré est l’Antarctique. C’est une bulle dans le monde, très sauvage, on peut clairement comprendre l’impact de l’homme. Un endroit unique au monde, en termes de biomasse et de biodiversité. J’ai eu un vrai coup de cœur pour cet endroit. Mais je pense qu’on peut être émerveillé par n’importe quel endroit dans le monde, tant que l’on reste curieux !

Mais en termes d’espèce, j’ai adoré photographier le léopard des mers, un animal très impressionnant. Et sur le comportement animalier, le sardine run (banc de sardines qui se fait chasser par un prédateur), était également très intéressant.

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Sardine Run, @Greg Lecoeur

Vous nous avez parlé de l’Antarctique, voyage au cours duquel vous avez capturé le cliché “Frozen Mobile Home” qui a remporté les Underwater Photography 2020. Combien de temps faut-il pour avoir le cliché parfait ? 

Cette photographie est très particulière. Je me suis rendu en Antarctique pour documenter le léopard des mers, et finalement, la plus belle photo de la série est cette rencontre avec des phoques crabiers. C’était un vrai cadeau de la nature.

Je dirais que le cliché parfait n’existe pas. Pour moi, c’est plus la rencontre, la situation et le contexte qui va créer le charme autour d’une photographie animalière.

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Frozen Mobile Home @Greg Lecoeur
The SeaCleaners - Greg Lecoeur
Rencontre avec un Léopar des mers, @Greg Lecoeur

Vous avez également été récompensé il y a deux semaines aux Siena International Photo Awards 2020. En tant que photographe reconnu, que pensez-vous d’utiliser votre notoriété pour faire passer des messages ? 

Je fais un métier qui inspire les gens. Avec ma petite notoriété, ou d’autres acteurs du monde sous-marin comme Julie Gauthier, nous pouvons être ambassadeurs, à travers notre travail, de certaines causes, faire passer des messages et montrer l’exemple. C’est très important pour moi aujourd’hui de promouvoir la beauté des océans à travers la photographie. J’utilise ce canal au service de l’environnement, pour contribuer, à ma façon, aux combats que l’on doit mener de front pour préserver les océans.

Et que pensez-vous des actions et solutions de plus en plus proposées par des ONG comme The SeaCleaners ? 

Je trouve ça super que beaucoup de monde se mobilise autour de cette cause essentielle. Idéalement, j’aimerais voir toutes ces initiatives se mutualiser et mettre en commun leurs idées pour voir un changement plus rapide et avoir un plus gros impact.

The SeaCleaners est une idée géniale. Agir sur terre et en mer en collectant et menant des actions de sensibilisation est un projet inspirant pour les futures générations, et ce sont les enfants qui ont les clefs de l’avenir. C’est pour cette raison qu’il est primordial d’inspirer ces jeunes comme vous le faites, pour qu’ils réussissent à créer un monde meilleur.

Retrouvez le récit mis en image par Greg Lecoeur, de l’apnéiste Guillaume Nery et du caméraman Florian Fisher, qui partent à la découverte du continent blanc. 

Une exploration qui a un seul objectif : plonger dans les eaux glaciales de l’Antarctique pour partir à la rencontre de sa faune sous-marine exceptionnelle et du seigneur de ses lieux : le Léopard de mer. 

Un voyage qui émerveille et interroge sur le devenir d’un éco-système en péril. 

>> ANTARCTICA, Disponible dès le 15 Décembre

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