Le jour où les déchets plastiques ont failli provoquer une guerre

La question de la pollution plastique mondiale raconte les inégalités de notre temps.
Alors que les pays occidentaux sont les plus gros producteurs de déchets, ce sont les pays du sud qui subissent l'impact de cette pollution le plus violemment. Jusqu'au jour où...

Janvier 2019 – Les relations diplomatiques entre le Canada et les Philippines sont au plus mal.

« Nous ne sommes pas la décharge du monde » Rodrigo Duterte, alors président des Philippines, tape du poing sur la table. “Nous sommes prêts à entrer en guerre contre le Canada. Nous pouvons les faire tomber. Je vais leur renvoyer leurs poubelles, attendez de voir.” 

Au terme d’une violente lutte diplomatique et d’un embargo total, les Philippines renvoient en mai 2019 des milliers de tonnes de déchets intentionnellement mal déclarés vers le Canada. 

Ce litige sur le trafic de déchets intervient dans un contexte très particulier. En 2017, Les Philippines ont vu leurs importations de déchets plastiques augmenter de 150 % par rapport à 2016 pour atteindre environ 11 800 tonnes en 2018. L’archipel philippin suffoque sous les déchets.   

Les autres pays d’Asie du Sud-Est ont subi le même afflux : les imports de déchets ont augmenté de 56 % en Indonésie, doublé au Vietnam et augmenté en Thaïlande de 1 370 % (oui, vous avez bien lu !)¹ 

Que s’est-il passé ? Pour le comprendre, il faut regarder les circuits mondiaux des déchets.

En 2017, prônant une politique environnementale drastique, la République Populaire de Chine dit stop et instaure soudainement l’interdiction des importations de déchets sur le territoire. C’est l’opération “Plastic National Sword”.
Alors qu’elle accueillait plus de la moitié des déchets plastiques commercialisés dans le monde, soit près de 50 millions de tonnes de déchets solides par an, elle n’en reçoit désormais plus que 1%.  

Les pays exportateurs bottent en touche. Sans alternatives, le volume total du commerce de plastique diminue considérablement : le commerce mondial est divisé par deux en 2017. Les pays sont contraints de gérer leurs déchets à une échelle plus locale.

Rapidement, d’autres pays prennent la place de la Chine en tant que principaux importateurs. La plupart d’entre eux sont également des pays d’Asie – les Philippines mais aussi la Malaisie, le Vietnam, l’Indonésie et la Turquie commencent à importer beaucoup plus de plastique que les années précédentes…
Ces pays ont en commun d’être des économies vulnérables, en développement, où la main d’œuvre est très peu chère et les normes environnementales pas encore abouties. Mais les volumes réceptionnés atteignent de telles proportions que les pays récepteurs manifestent rapidement leur “ras-le-bol » d’être considérés comme les décharges des pays du Nord.

Au cœur de ce trafic mondial, des inégalités flagrantes de gestion des déchets et, comme résultat, une pollution marine accrue

De fait, les investissements dans le développement de structures adaptées de gestion des déchets ne suivent pas dans les pays-cibles du trafic des déchets plastiques, créant une plus grande probabilité que ces déchets soient mal gérés… et contribuant ainsi toujours plus à la pollution plastique océanique.

Ainsi, si les pays occidentaux produisent plus de déchets plastiques par personne (un Américain produit huit fois plus de déchets plastiques qu’un Chinois), la quantité de déchets mal gérés par habitant est 100 fois plus élevée aux Philippines qu’au Royaume-Uni. 

Cette crise diplomatique entre les Philippines et le Canada rappelle que, si la lutte contre la pollution plastique est internationale, elle doit refléter la réalité géo-éco-politique du trafic international des déchets et prendre en compte les inégalités territoriales dans la gestion des déchets.  

Développé par The SeaCleaners, le programme MAPP (Mobula Against Plastic Pollution) prend en compte ces disparités et accompagne l’essor de structure locale de gestion des déchets.
Associé à la mise en opération du Mobula 8, MAPP est une stratégie intégrale qui associe une meilleure gestion des déchets et de la sensibilisation à l’action curative du bateau de dépollution en eaux calmes. 

Pour en savoir plus, écoutez l’épisode 4 du podcast les Déferlantes « Comme le roi Midas »

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