Pas tous égaux face à la pollution plastique !

Selon les derniers rapports de l’ONU, la pollution plastique est devenue l’un des trois principaux fléaux environnementaux de notre siècle, avec des conséquences aussi catastrophiques que persistantes pour l’ensemble des écosystèmes de la planète. Faune et flore sont les premières victimes de cette invention humaine dont la gestion de la fin de vie reste très insatisfaisante. Pire encore, la dynamique de surproduction et de surconsommation actuelle se retourne contre son créateur : les répercussions de cette pollution sur les êtres humains sont elles aussi être dramatiques.  

Face à cette pollution, nous ne sommes pas tous égaux : ses conséquences sociales et économiques accentuent les inégalités entre les individus et les communautés, au point que de plus en plus d’acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux placent désormais le sujet de la lutte contre la pollution plastique sur le terrain de la justice sociale et de la défense des Droits de l’homme. 

A ce sujet, un rapport explosif du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et de l’ONG Azul en date de 2021 (“Neglected : Environmental Justice Impacts of Plastic Pollution “) montre sans ambiguïté que la pollution par les plastiques touche de manière disproportionnée les communautés marginalisées et celles vivant à proximité des sites de production et de traitement des déchets plastiques. Et rappelle ce fait essentiel, pourtant trop souvent oublié : le droit à un environnement propre, sain et durable a été élevé en 2021 au rang de droit humain fondamental par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. 

Voici la revue non exhaustive des principales inégalités relevées là où sévit la pollution plastique. 

1- L’accès à l’eau propre et aux ressources alimentaires saines

Aujourd’hui, 80 % des déchets plastiques sont déversés dans les océans par quelque mille cours d’eau. Ce sont plus de 2 milliards de personnes qui risquent d’avoir un accès réduit aux ressources en eau douce dans les prochaines années, et la pollution plastique est en partie responsable de cette menace. Détérioration de la qualité de l’eau douce dans les régions les plus vulnérables, contamination des sols et des sources d’eau utilisées pour l’agriculture et la pêche, obstruction des systèmes d’adduction d’eau, développement de maladie infectieuses : les eaux contaminées par les déchets plastiques sont une réelle menace pour les populations.  

Les plastiques sont en effet de véritables « éponges » à virus et bactéries, et peuvent même servir de supports de croissance et de moyens de transport à des agents pathogènes. Par exemple, diverses espèces bactériennes du type Vibrio ont tendance à se fixer sur les microplastiques flottants provoquant des infections graves chez les humains et les animaux, dont la plus grave est le choléra. 

En outre, il existe un lien direct entre les débris plastiques et le risque de maladies infectieuses. Chaque morceau de plastique qui contient de l’eau est un lieu de reproduction potentiel pour les insectes, notamment les moustiques susceptibles de transmettre des maladies comme le paludisme, le Zika ou la dengue. Il s’agit d’un problème majeur, notamment dans les bidonvilles des zones tropicales.  

Pour en savoir plus sur l’impact de la pollution plastique sur la qualité de l’eau

2- Des industries locales sévèrement touchées, aggravant les inégalités économiques 

L’invasion des milieux aquatiques et terrestres par les déchets plastiques a eu des conséquences économiques dévastatrices.

  • La pêche et les pêcheurs : Une pollution excessive des milieux marins cause des dommages irréversibles qui entraînent des conséquences économiques à long terme, perturbant source de revenus et modes de vie. Les premières victimes de ce fléau ? Les populations côtières et les communautés vulnérables. Plus d’un milliard de personnes dépendent à ce jour quasiment exclusivement des produits de la mer pour leur subsistance. Les déchets plastiques obstruent les filets de pêche et endommagent les équipements, ce qui réduit la quantité de poissons pouvant être capturés et diminue les revenus des pêcheurs. De plus, les déchets plastiques peuvent être ingérés par les poissons et les autres animaux marins, affectant leur santé et leur capacité à se reproduire : sur certaines espèces, le taux de reproduction chute de 50 % et le poids diminue de 20 à 35 %.  
  • L’agriculture : les déchets plastiques qui obstruent les terres fertiles et cultivables rendent difficile le labour et l’irrigation, ce qui réduit les rendements des cultures. Enfin, les déchets sont parfois ingérés par les animaux de ferme, affectant leur santé et leur productivité. 

3- La santé, un droit fondamental menacé par la pollution plastique

La pollution plastique a infiltré notre monde, contaminant l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et la nourriture que nous mangeons. Selon les dernières études, un adulte absorbe par inhalation ou ingestion jusqu’à 121 000 microparticules de plastique par an ! Cette invasion a des conséquences sur la santé humaine, exacerbant les inégalités déjà présentes dans notre société. Certaines personnes sont ainsi plus vulnérables face à cette pollution :   

  • Les femmes et les enfants : Les particules plastiques ingérées ou inhalées sont susceptibles d’entraîner des problèmes de santé tels que des troubles respiratoires, des troubles digestifs et des problèmes de développement chez les enfants. Cette pollution plastique est également porteuse de substances chimiques dangereuses entrainant des effets néfastes sur la santé, tels que des problèmes de reproduction, des troubles hormonaux et un risque accru de cancer, en particulier chez les jeunes enfants et les femmes enceintes.
  • Les populations côtières : Les déchets plastiques se retrouvent dans les océans, où ils sont ingérés par les animaux marins qui finissent par être consommés par les humains. Les microplastiques, particulièrement dangereux, contiennent des substances chimiques responsables de problèmes de santé tels que des perturbations hormonales et des problèmes de reproduction. Les populations côtières et les communautés vulnérables qui dépendent de la pêche pour leur subsistance sont particulièrement exposées à ces risques.  

4- Le colonialisme des déchets 

“Là où l’on trouve des inégalités sociales, on trouve également des inégalités environnementales et sanitaires et vice-versa.”

David N. Pellow et Robert J. Brulle 2018

C’est bien connu : quand on ne voit pas le problème, c’est qu’il n’y en a pas. C’est sur ce mantra que certains pays, gros consommateurs et producteurs de plastique n’ont pas hésité à envoyer à l’autre bout du monde, leurs déchets plastiques. C’est le cas par exemple des États-Unis, du Canada, l’Australie et l’Europe, qui, avant 2018, exportaient massivement leurs déchets vers des pays sous-développés, tels que la Chine, le Vietnam, le Bangladesh et l’Indonésie. (On vous explique pourquoi dans l’épisode 3 de notre podcast Les Déferlantes – Pas sous nos yeux) 

 Cependant, cette pratique a eu des conséquences désastreuses pour l’environnement, l’économie et la santé des populations locales. En 2018, la Chine a finalement dit STOP. Elle a fermé ses portes aux importations de déchets en raison de la surcharge et de la mauvaise qualité des déchets qu’elle recevait. Le marché mondial de la gestion des déchets s’est vu pour la première fois perturbé : les pays développés ont été dans l’obligation de revoir leur propre gestion des déchets. 

Malheureusement, la gestion des déchets reste un sujet majeur dans les inégalités causées par le plastique. Certaines régions du monde croulent toujours sous des décharges en plein air qui gagnent de plus en plus de terrain. Les communautés marginalisées vivant à proximité des sites de production et de traitement des déchets plastiques sont les premières victimes dans ce système géant de gestion qui fait cruellement défaut. 

La pollution océanique par les déchets plastiques compromet donc la réalisation de plusieurs des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) définis par les Nations Unies pour un monde plus juste et plus inclusif. Il est crucial de prendre en compte ces inégalités dans la mise en place de politiques et de programmes visant à lutter contre le fléau de la pollution plastique, qui met en péril notre planète et ses habitants. 

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