Sécurité sanitaire ou pollution plastique, le choix est-il réellement nécessaire ?

SV17
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Date de publication 20 juillet 2020

Auteurs Patrício Silva, Ana L.; Prata, Joana C.; Walker, Tony R.; Campos, Diana; Duarte, Armando C.; Soares, Amadeu M. V. M.; Barcelò, Damià; Rocha-Santos, Teresa

Sources Rethinking and optimising plastic waste management under COVID-19 pandemic: Policy solutions based on redesign and reduction of single-use plastics and personal protective equipment The Science of the total environment, 2020, vol. 742, p. 140565.

DOILink https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.140565

Résumé

Résumé :

La question des plastiques a été au sommet de l’agenda politique en Europe et dans le monde pour tenter de réduire les déversements de déchets et la pollution plastique océanique. Mais la pandémie de COVID-19 est venue gravement perturber les politiques de réduction aux niveaux régional et national et induit aujourd’hui des changements importants dans la gestion des déchets plastiques susceptibles d’avoir des répercussions négatives sur l’environnement et la santé humaine. Ce document donne un aperçu des politiques en la matière et traite des réajustements de ces politiques pendant la pandémie de COVID-19 ainsi que de leurs répercussions environnementales potentielles. L’augmentation soudaine des déchets plastiques due à la pandémie de COVID-19 souligne la nécessité cruciale de renforcer les politiques de réduction des plastiques (et de les mettre en œuvre sans retard), d’intensifier l’innovation pour des solutions plastiques durables et vertes et de développer immédiatement des systèmes dynamiques et réactifs de gestion des déchets. Les recommandations stratégiques et les orientations futures de la recherche sont également évoquées.

Avis The SeaCleaners :

L’étendue de la pollution plastique généralisée commence à être bien connue du grand public.
Ceci grâce aux actions de communication concertées entre les médias, les scientifiques, les ONG et les citoyens. De ce fait, des nouvelles réglementations ont été prises récemment par différents pays. En particulier, on pensera aux interdictions des plastiques à usage unique dans de nombreux produits. Les études sur les conséquences de ces décisions commencent à être publiées. Elles montrent toutes que la cible ne doit pas être les plastiques à usage unique, mais bien les objets à usage unique, afin d’amorcer un changement de comportement tant chez les consommateurs que chez les industriels. Elles indiquent aussi une forte résistance de ces derniers à prendre le virage en faisant valoir des solutions biosourcées, biodégradables, voire des analyses de cycles de vie favorables… qui, après étude détaillée, s’avèrent être des solutions très incomplètes induisant le consommateur en erreur. Il en résulte une persistance, et parfois une augmentation des comportements inappropriés dans la gestion de fin de vie de ces objets en plastiques.

Avec le développement de la pandémie de Covid19, des priorités se sont mises en place complétement en opposition avec la réduction des plastiques à usage unique.
Les raisons invoquées sont en général liées à la sécurité des personnes, mais l’enjeu était aussi de ralentir la propagation du nombre de cas, car le développement de l’épidémie mettait en péril les organisations sanitaires nationales en risquant de les saturer. Les politiques de réductions des coûts et des capacités d’accueil en milieu hospitalier au fil des années sont rarement évoquées comme étant une des sources du problème, mais ce virus aura eu le mérite de mettre en évidence le fait que ce choix n’est peut-être pas optimum dans des pays où la moyenne d’âge de la population ne cesse d’augmenter. Dans les structures d’accueil des malades et chez les professionnels de la santé, des mesures prophylactiques légitimes ont été mises en place avec leur cortège d’objets en plastique à usage unique : masques, gants … et en général des procédures de gestion des déchets adaptées : collecte, stockage et destruction par incinération.

Impulsé par les médias, les industriels ou simplement la peur des consommateurs, le tout à usage unique a fait son retour en force.
Dans les années 50, il était la solution idéale pour économiser le temps de la ménagère et pour promouvoir des produits de faible qualité, à durée de vie courte et « bon marché », cet aspect étant très relatif, car le rachat régulier des mêmes objets a un coût caché mal appréhendé par le consommateur. Changement de stratégie de communication aujourd’hui : le tout à usage unique est bon pour votre santé ! Cette approche ne s’appuie sur aucune publication scientifique sérieuse, seulement sur le sacro-saint principe de précaution à géométrie variable. Il est tout à fait remarquable de voir qu’il s’applique très rapidement en cas d’augmentation possible des ventes, mais pas du tout lorsqu’il s’agit de retirer des métaux lourds dans la composition des plastiques utilisés dans la fabrication des jouets pour enfants.

Un paradoxe technique et scientifique qui ne gêne personne.
Concrètement, les seules publications scientifiques sérieuses sur la persistance de la Covid19 sur les surfaces indiquent que, pour des charges virales élevées déposées sur des surfaces stériles, la survie des virus est très faible et n’excède pas 24 à 48h. A ce stade, la charge virale est très faible, tout comme, par conséquent, le risque de contamination. Sur des surfaces de la vie quotidienne, recouvertes de molécules diverses, de bactéries et d’autres virus (non pathogènes), le taux de survie de la Covid19 n’a pas été évalué. Mais selon un principe élémentaire d’écologie microbienne, il est fortement réduit par rapport aux surfaces stériles. Le passage aux objets à usage unique était donc totalement injustifié pour les sacs, couverts, vaisselles… mais résultait uniquement d’une stratégie d’opportunité.

L’analyse du paradoxe n’est pas terminée : en supposant que la transmission de la Covid19 se fasse par les objets, comment les fabricants de ces objets à usage unique assurent-ils à leurs clients que ces derniers soient stériles ou du moins sans contamination virale (exception faite des produits vendus avec le certificat de stérilité, pour les hôpitaux par exemple). Il peut y avoir des employées malades sur les chaînes de fabrication, dans la distribution… et beaucoup de ces produits sont importés de pays très impactés par l’épidémie, comme la Chine, par exemple. Dans de nombreux cas, ce sont les nouvelles réglementations imposées aux industriels et aux commerçants qui ont précipité ces choix.

La généralisation des équipements de protection individuels à toute la population a considérablement augmenté l’usage des plastiques à usage unique.
Les masques et les gants ont été produits en très grandes séries sur une base de durée de vie courte avec des matériaux peu coûteux, urgence oblige. Les masques sont donc essentiellement en PP et jetables avec une consommation au minimum journalière. Des solutions réutilisables par lavage sont progressivement entrées sur le marché, en général en matières textiles synthétiques. Les auteurs de cet article indiquent que la meilleure efficacité de filtration est apportée par les masques de type chirurgical, dont le port ne doit pas excéder 3h. Cette capacité de filtration est liée à la porosité du tissage. Celle-ci ne peut pas être garantie après lavage. La plupart des masques ne sont donc pas utilisés en filtration des charges virales, mais en réduction du risque de projections individuelles. Sachant que nous laissons aussi dans notre sillage des poils, cheveux, desquamations de peau… aussi potentiellement porteuses de virus, la combinaison intégrale jetable serait plus appropriée ou l’absence complète d’interaction. Le côté positif de cette expérience mondiale est que les scientifiques auront des données sur l’inhalation chronique des microplastiques et de leurs additifs. Est-ce que le bénéfice de la protection est à la hauteur du risque sur la santé individuelle ?

Les masques usagés sont jetés dans l’environnement.
Ce comportement, a priori surprenant, résulte sans doute de la peur de transporter un masque contaminé dans sa voiture, dans son habitation pour le mettre à la poubelle, ou tout simplement d’un acte d’incivilité marquant le « ras-le-bol » d’une certaine partie de la population. Son observation à l’échelle internationale laisse perplexe et méritera des études sur les motivations précises de ces actes. Il en résulte une forte augmentation des plastiques à usage unique et un accroissement significatif de leur mauvaise gestion de fin de vie. Près des deux tiers des pays qui ont décidé d’interdire les plastiques à usage unique ont annulé ou suspendu leurs décisions.

Il est urgent et important de reconsidérer les priorités.
L’évolution de la production de plastique est exponentielle et tout retard de quelques années dans la mise en place des mesures protectives risque d’aboutir à des situations irréversibles au niveau des écosystèmes. Il est connu que la perturbation des écosystèmes naturels entraîne invariablement le déclenchement d’épidémies ayant un impact global potentiel au niveau de la planète. Il est à noter que ce n’est pas simplement le vecteur épidémique qui pose un problème, mais aussi le niveau d’immunité naturelle des animaux et des êtres humains dans un environnement pollué. On sait que, dans ce cas, celui-ci est très bas et que la résistance naturelle très diminuée est favorable à la dissémination des maladies. Cet effet indirect est largement sous-estimé.

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