Expresso ou café long, un choix ecoresponsable

Date de publication 14 septembre 2020

Auteurs Figueiredo Tavares, Maria Paula de; Mourad, Anna Lucia

Sources Coffee beverage preparation by different methods from an environmental perspective. Int. J. Life Cycle Assess. 25 (7), pp. 1356–1367.

DOILink https://doi.org/10.1007/s11367-019-01719-2

Résumé

Le café est l’une des boissons les plus appréciées dans le monde. Il existe une grande variété de méthodes de consommation, à l’intérieur et à l’extérieur de la maison, avec une croissance significative du marché des machines à café de type expresso qui délivrent un café à la fois.

En raison de cette tendance et en accord avec les directives actuelles sur la durabilité, l’objectif de cette étude était d’évaluer la performance environnementale de l’étape de production jusqu’aux méthodes les plus représentatives de préparation des boissons.

Les principes de l’analyse du cycle de vie (LCA) ont été appliqués pour évaluer l’efficacité environnementale des préparations suivantes : l’espresso traditionnel, la French Press, l’AeroPress, les systèmes de café filtres dans les bars, la filtration à la maison et les machines automatiques à service unique.

L’étude comprenait l’étape agricole, la torréfaction/le broyage industriel et la préparation des boissons jusqu’à l’élimination finale des déchets. Les données ont été recueillies dans 40 établissements parmi les cafés, les boulangeries et les environnements domestiques, avec 153 données individuelles.

L’efficacité environnementale a été mesurée en ce qui concerne l’énergie, la consommation d’eau, la production de déchets et les scores d’impacts environnementaux liés au réchauffement climatique, à l’eutrophisation, à l’acidification, à l’épuisement abiotique et à la toxicité humaine. Des données individualisées sur la torréfaction/broyage du café provenant du processus industriel ont été fournies.

Dans la catégorie monodose, la préparation d’une dose à service unique (sachet de papier) à l’aide d’une machine automatique a entraîné la plus faible émission de 14,3 g de COeq/50 mL de boissons, ainsi qu’une perte d’emballage non biodégradable en décharge environ 11 fois inférieures à celle des capsules en plastique à service unique avec joint supérieur en aluminium, qui avaient la plus forte consommation d’énergie, d’eau et de génération de déchets.

Dans la catégorie de la consommation à l’extérieur de la maison, le café expresso, produit sous pression et à des températures plus élevées, a eu le plus grand impact, principalement en raison de sa concentration, et de l’énergie exigée par les machines automatiques. L’étude a révélé que la concentration du café, ainsi que le rapport de la masse d’emballage par volume de boissons préparées, ont un effet significatif sur les impacts environnementaux calculés.

Les résultats obtenus permettent au consommateur d’inclure les aspects environnementaux dans le choix de la méthode de préparation des boissons et fournissent également des informations pertinentes pour les politiques publiques concernant la production de déchets.

Avis TSC

Comment aimez vous votre café, expresso, long, filtre… ?
À la base il faut des graines de café torréfiées et de l’eau chaude, mais de nombreuses variations sont apparues autour de ce protocole de base. Le constituant essentiel, pour lequel il est souvent consommé, est la caféine qui est un excitant bien connu dont on retrouve des formes chimiques similaires dans le thé et le maté. La caféine est soluble dans l’eau, il est donc facile de l’extraire en plongeant les graines torréfiées dans de l’eau chaude. Les tanins sont extraits simultanément, d’où la couleur sombre du breuvage après préparation. On s’est rapidement rendu compte que la partie du café non soluble dans l’eau pouvait aussi apporter des saveurs. Afin de pouvoir l’extraire, il faut soit augmenter la température de l’eau, ce qui est assez compliqué, soit ajouter de la pression pendant l’extraction. Il se forme alors une mousse de composés insolubles dans l’eau qui contiennent beaucoup de molécules avec des saveurs qui, selon les origines du café, auront des notes de fruits secs, de chocolat, de fruits rouges et autre parfums recherchés par les amateurs. Sans oublier la torréfaction dont la chaleur appliquée aux graines entraîne une réaction chimique, dite de Maillard, entre les sucres complexes et les protéines et développe ainsi une intensification des arômes, mais aussi une diminution de la solubilité de ces composés.

Quatre grandes étapes ont un impact sur l’environnement.
La production des graines nécessite des ressources en terres agricoles, en eau, en traitements phytosanitaires et en énergie pour l’entretien des plantations et la récolte. Les graines sont ensuite séparées de leur enveloppe, puis séchées artificiellement ou au soleil. L’étape suivante est la torréfaction qui consomme beaucoup d’énergie, sans oublier les transports sur de longues distances entre les pays producteurs et consommateurs. Le broyage constitue la troisième étape associée à la mise en sacs ou en dosettes. La quatrième est la préparation de la boisson suivant différents protocoles. Cette étude présente une analyse du cycle de vie avec toutes les externalités, sur différentes façons de préparer un café en intégrant à la fois la partie culture, séchage, broyage, transport et différentes façons de préparer le café manuellement ou automatiquement, sous pression ou non.

Verdict sur l’impact environnemental.
Pas de surprise, le pire score est attribué à la capsule en aluminium ou en plastique pour des mono doses qui sont utilisées dans les machines automatiques. Le meilleur score est attribué à ce que l’on appelle la « French Press » qui ressemble un peu à une tisanière ou une théière. Le cas de la machine à café de type « distributeur automatique » n’a pas été étudié. Dans sa version de base, cette dernière utilise du café soluble lyophilisé. Ce procédé est gourmand en énergie et impactera donc le bilan. Certains distributeurs utilisent une technologie expresso à partir de café en grain. Dans ce cas, leur bilan s’approche des résultats du type machine expresso signalés plus haut.
Un petit bémol, cependant sur l’expression des résultats de cette étude qui montrera que les analyses du cycle de vie ne sont pas toujours faciles à interpréter : pour un café filtre ou en French Press, les volumes de boisson sont beaucoup plus importants que pour un expresso. Il n‘est pas rare de préparer 200 ml à la French Press, alors qu’un expresso italien dans sa version la plus minimaliste, ne fera que 5 ml. Les auteurs de cette étude ont exprimé les consommations d’énergie par volume de boisson. Dans le cas présenté ci-dessus, il faut 40 expressos pour une café French Press. Le score moins favorable de l’expresso est donc à minimiser. Il vaudrait mieux tenir compte de l’acte de consommation : une tasse ou un mug, pour comparer des situations réelles. Toutefois, les auteurs ont raison sur le fait que les machines des bars restent allumées en chauffe toute la journée, qu’elles servent ou non du café, d’où un impact environnemental élevé. Un expresso domestique aura moins d’impact.

Comment boire un café écoresponsable ?
Au niveau de la production, la notion d’éthique vis-à-vis des populations des pays producteurs est un point important. Ensuite, une agriculture raisonnée ou bio avec un minimum de recours aux traitements phytosanitaires réduit considérablement les impacts environnementaux. Enfin, l’intégration de la chaîne de traitement des graines jusqu’aux grains secs, voire la torréfaction, évite les transports inutiles et favorise la distribution de la valeur ajoutée localement dans le pays producteur. Avoir des sources d’énergies renouvelables serait un plus appréciable pour toutes ces étapes énergivores.
Le transport des pays producteurs vers les pays consommateurs a un impact élevé. Il est possible d’utiliser des moyens de transports à faible impact qui commencent à voir le jour, comme le fret maritime par voilier par exemple, déjà disponible pour certaines marques de chocolats.
La distribution en vrac est à privilégier afin de réduire au maximum l’usage des emballages plastiques qui sont difficilement recyclables.
La dernière étape est plus complexe à rationaliser. Il est vrai qu’un café filtre manuel dans une eau tiède aura un impact environnemental réduit, mais il sera probablement moins agréable pour la plupart des consommateurs qu’un expresso. Pour ceux qui souhaitent mener cette approche écoresponsable jusqu’au bout, et qui aiment l’expresso, il existe des machines manuelles dans lesquelles la pression est apportée par un levier manipulé par le consommateur. Cela demande un peu de préparation de l’équipement, mais cette concentration de quelques minutes aura sans doute les effets salutaires d’un lâcher prise sur les problèmes du jour…

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