Bioplastiques de soja et éthique mondiale.

SV7
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Date de publication 11 mai 2020

Auteurs Yamada, Masanori; Morimitsu, Sakura; Hosono, Eiji; Yamada, Tetsuya. Int. nation. J. of biol. Macromol. : 149, 1077–1083. 

Sources Preparation of bioplastic using soy protein (2020)

DOILink https://doi.org/10.1016/j.ijbiomac.2020.02.025

Résumé

Résumé :

Le soja est une des plantes les plus abondamment cultivées dans le monde entier à la fois en agriculture vivrière et dans un but industriel. La majeure partie du soja cultivée à l’échelle mondiale l’est aujourd’hui pour obtenir de l’huile de soja, son produit principal. Les résidus d’extraction, nommés tourteaux, sont riches en protéines. Ils sont utilisés en alimentation humaine et animale. Malgré ces nombreuses applications, des déchets sont encore présents dans cette filière, en particulier chez les industriels.

L’article analysé aujourd’hui démontre qu’il est possible de fabriquer des bioplastiques à partir des résidus d’extraction (tourteaux). Il est habituel d’augmenter la réticulation des tourteaux avec du formol. Toutefois est aussi étudiée la fabrication des bioplastiques sans formol. La résistance à l’eau est très diminuée en l’absence de formol, mais non nulle. La résistance mécanique à la flexion est directement proportionnelle à la quantité de formol utilisée, environ 35Mpa pour 1% de formol. Cette valeur est équivalente à celle du polyéthylène (PE). Toutefois, la configuration chimique est différente. Les spectres infrarouges indiquent la formation de méthylène qui s’intègrent entre les acides aminés de base comme la lysine et l’arginine.
La biodégradabilité du bioplastique a été évaluée en appliquant une digestion par la pronase, enzyme protéolytique. Une perte de 30% en masse a été observée en 6 jours. Ce résultat indique que ce matériau est biodégradable.
Ce nouveau bioplastique biodégradable est donc prometteur pour des applications agricoles, industrielles et des articles jetables.

Avis The SeaCleaners :

Les premiers plastiques étaient fabriqués par modification chimique de substances naturelles.
La fabrication de bioplastiques à partir de protéines est connue depuis très longtemps. Par exemple, la protéine de lait, la caséine, en réaction avec du formol permettait de produire la galalithe, un plastique très utilisé pour la fabrication des boutons, matériel électrique, bijoux… au début du XXème siècle. Diverses sources de protéines ont été testées : œufs, sang, végétales… mais aucune application n’a résisté économiquement au développement des plastiques d’origine pétrochimique. Même la carbochimie, issue du charbon, utilisée au début pour fabriquer le nylon et le PVC, n’a pas résisté à cette ascension.

La production du soja est devenue un enjeu planétaire.
Avec le blé, le soja représente une production agricole majeure ayant un impact considérable sur les industries de l’agro-alimentaire. Les quantités produites ont augmenté de 750% entre 1968 et 2017, notamment sous l’effet de son introduction dans l’alimentation animale, secteur également en forte croissance. Sur la même période, la production de viande de volaille a augmenté de 890% au niveau mondial et celle de porc de 250%.
En tant qu’oléagineux, son utilisation d’origine était la production d’huile, deuxième en volume derrière l’huile de palme. Mais actuellement, près de 75% de la production de soja est destinée aux tourteaux protéinés pour nourrir le bétail. La Chine est le principal pays producteur.

Le formol est un réactif très présent dans cette industrie du soja.
Les auteurs de l’étude présentée ici ont développé la fabrication de bioplastiques à partir des déchets de la production de soja. Le procédé n’est pas nouveau, les protéines présentes dans ces déchets sont modifiées par l’action du formol et deviennent un biopolymère aux propriétés d’un matériau plastique. Fortement réticulé par le formol, ses propriétés mécaniques sont celles du polyéthylène PE. Cela peut sembler étrange de favoriser un procédé à base de formol, produit réputé cancérigène que les pays occidentaux ont « officiellement » banni des procédés alimentaires, mais il s’agit en fait d’un réactif très commun dans l’industrie du soja, car les tourteaux destinés à l’alimentation animale sont souvent formolés pour en améliorer les propriétés mécaniques. De même pour le raffinage du sucre blanc et des alginates, ce qui explique nous utilisions des guillemets à « officiellement ».

Se nourrir ou faire de la chimie ?
Le composant majoritaire de ce bioplastique est la protéine du soja. Les déchets envisagés comme matière première sont donc des tourteaux de soja invendus, liés à la baisse des cours ou à la surproduction. Pour développer un marché de substitution des matières plastiques pétrochimiques, les quantités nécessaires dépasseront largement ces disponibilités qui sont, de plus, fluctuantes selon les années. En cas de production régulière de ce bioplastique, se posera donc la question des priorités de l’usage des terres agricoles pour nourrir les populations ou pour faire de la chimie. L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (la FAO) a déjà lancé une alerte sur le risque de pénurie à court terme, car les surfaces de terres agricoles dans le monde n’augmentent plus depuis plusieurs années, malgré une déforestation intense. Elle recommande donc de réserver les espaces de culture à la production pour l’alimentation et déconseille vivement les cultures pour les biocarburants ou pour la chimie.

Rédacteur : Yannick Lerat / 18-05-2020 /  SeaView@theseacleaners.org

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