Innover pour des plastiques de plus en plus résistants à la dégradation.

SV20
SV20

Date de publication 20 juillet 2020

Auteurs Folino, Adele; Karageorgiou, Aimilia; Calabro, Paolo S.; Komilis, Dimitrios

Sources Biodegradation of Wasted Bioplastics in Natural and Industrial Environments: A Review. Sustainability, 2020, 12 (15).

DOILink https://DOI.org/10.3390/su12156030

Résumé

Les problèmes liés aux déchets plastiques dans l’environnement ont conduit au développement de plastiques biodégradables. Plus précisément, les bioplastiques biodégradables sont des polymères qui peuvent être minéralisés en dioxyde de carbone, en méthane, en eau, en composés inorganiques ou en biomasse grâce à l’action enzymatique de micro-organismes spécifiques. Ils pourraient donc représenter un substitut approprié aux plastiques pétrochimiques conventionnels, et plus respectueux de l’environnement. La structure physico-chimique des biopolymères, les conditions environnementales, ainsi que les populations microbiennes auxquelles les bioplastiques sont exposés sont les facteurs les plus influents de la biodégradation. Ce processus peut se produire dans les environnements naturels et industriels, dans des conditions aérobies et anaérobies, ces derniers étant les moins étudiés. Les milieux aérobies évalués comprennent le compost, le sol et certains milieux aquatiques, tandis que les milieux anaérobies comprennent des plantes et quelques habitats aquatiques. Cette étude examine à la fois l’étendue et les niveaux de biodégradation dans différents environnements et explore les dernières connaissances sur les facteurs environnementaux et biologiques impliqués dans la biodégradation. Les résultats démontrent la nécessité de faire davantage de recherches sur le devenir à long terme des bioplastiques dans des environnements naturels et industriels. Cependant, les bioplastiques ne peuvent pas être considérés comme une panacée lorsqu’il s’agit de l’élimination de la pollution plastique.

 

Avis TSC

Bioplastiques et plastiques biodégradables sont deux notions très différentes mais avec des points communs.
Les bioplastiques se réfèrent à des matériaux dont certains des constituants sont d’origine naturelle. Les constituants majeurs des matériaux plastiques sont le polymère, les agents de charge et les additifs. En général, les agents de charge ou le polymère sont en quantité majoritaire. De nombreuses études ont été faites pour utiliser des agents de charge d’origine naturelle comme par exemple la cellulose, les fibres de bois où divers déchets de l’agriculture. Le polymère lui-même peut aussi être d’origine naturelle, par exemple produit par des micro-organismes comme le PHA, le PHB et le PLA, on parle alors de biopolymères. Les additifs naturels sont beaucoup moins fréquents car plus exigeants au niveau technique. C’est pourquoi un bioplastique est très rarement à 100% d’origine naturelle. On parle de bioplastique ou de plastique biosourcé même si ces termes ne sont pas réglementés dans leur usage. Le seul avantage systématique, d’un point de vue environnemental, est de réduire l’empreinte carbone du matériau final, en particulier si les autres composants sont issus de la pétrochimie. Le fait qu’un matériau soit un bioplastique n’implique absolument pas que celui-ci soit biodégradable. Toutefois certains bioplastiques le sont. Ce qui apporte beaucoup de confusion dans l’esprit du consommateur. Confusion sur laquelle surfent les équipes de marketing.

Par biodégradabilité, on entend la dégradation totale du matériau.
Il se forme alors des composés minéraux, du CO2, de l’azote inorganique… ou une transformation en biomasse par les microorganismes. Le fractionnement ne constitue pas une biodégradation complète. De plus, celle-ci génère des microplastiques dont on commence juste à découvrir les impacts environnementaux négatifs. La biodégradation peut s’effectuer sous conditions contrôlées industrielles ou naturelles, par voie aérobie ou anaérobie, dans les sols, les composts, en milieu aquatique ou marin. Les phénomènes physiques d’oxydation, de modifications chimiques et de fractionnement peuvent aider à la dégradation, mais finalement, une action biologique est nécessaire, assurée par des microorganismes qui travaillent souvent en consortium. Les fins de vie de nos déchets, en dehors de l’incinération, font appel à ce mécanisme : enfouissement, décharge à ciel ouvert, déchets perdus, volontairement ou non, dans l’environnement, compostage. A noter que des fonctions similaires sont à l’œuvre dans nos systèmes digestifs. Sans ce travail bactérien, notre survie serait impossible.

Une concurrence s’est installée entre les biopolymères et les polymères traditionnel biosourcés.
Les biopolymères produits à l’échelle industrielle sont les suivants : PLA, PHA, PHB. Appliqués tout d’abord à des secteurs où la valeur ajoutée est importante, pour des implants ou des dispositifs médicaux, ces polymères commencent à émerger dans les usages plus courants, comme l’emballage et autres applications grand public. Ils présentent l’avantage naturel de ne pas être produit à partir d’une matière première fossile, mais en général à partir de déchets urbains ou agricoles que les micro-organismes vont convertir partiellement en polymère. On se rend compte que ce modèle et plutôt vertueux en termes d’économie et d’écologie. Cela pose toutefois le problème des filières de recyclage, car actuellement les volumes produits ne sont pas suffisants pour justifier la mise en place de ces filières. Ils viennent donc souvent contaminer les filières de recyclage actuelles des plastiques pétrochimiques. Pour répondre à cette concurrence, les industriels du plastique ont mis au point des versions biosourcées de leurs grandes familles : PE, PU, PVC, PET. Ils s’appellent dans ce cas bio-PE, bio-PET… Ces derniers sont fabriqués à partir d’éthanol qui est produit par fermentation de sucres, ou de déchets agricoles. Dans ce cas, ils ne sont plus d’origine pétrochimique, leur empreinte carbone est donc fortement réduite. Cependant, un Bio-PE biosourcé et un PE pétrochimique ont les mêmes caractéristiques physico-chimiques, ils sont donc totalement non biodégradables dans l’environnement. Les allégations présentant ces plastiques traditionnels biosourcés comme étant bons pour l’environnement sont partiellement erronées car elles laissent supposer au consommateur que ces produits se dégradent facilement.

Il existe aussi des plastiques pétrochimiques biodégradables par conception.
Cet aspect ne facilite pas la compréhension par le consommateur. Ces polymères d’origine pétrochimique sont le PBS (polybutylène succinate) et le PCL (polycaprolactone). Ils ont été mis au point pour se dégrader facilement dans l’environnement. Effectivement, leur vitesse de dégradation est similaire à celles des PLA et PHA, en particulier en conditions de compostage. Ils sont peu répandus sur les marchés, leurs applications se limitent souvent au domaine médical.

Quel avenir pour les bioplastiques et les plastiques biodégradables ?
Les auteurs de cette étude soulignent un point très important : la réglementation précise dans l’usage des termes. Dans plusieurs pays, l’allégation « compostable » fait maintenant référence à des normes pour les essais de compostabilité. Par exemple, deux labels ont été créés pour décrire la qualité de compostable en milieu industriel ou en compost domestique. Le terme biodégradable n’est pas réglementé, ce qui autorise les industriels à l’utiliser pour de simples plastiques pétrochimiques dans lesquels des additifs favorisant la fragmentation ont été ajoutés. Une étude récente a montré que sur sept marques de pailles biodégradables vendues au Brésil, six étaient des polymères pétrochimiques, dont la moitié sans additifs spécifiques et une marque en PLA, totalement compostable. L’usage abusif de cette terminologie ne permet pas aux consommateurs de choisir en connaissance de cause.

Le plastique est un matériau conçu pour durer !
Une grande confusion règne qui associe le terme plastique à la notion d’objet à usage unique. En fait, le plastique a été conçu pour apporter des améliorations aux matériaux naturels tels que le papier, le bois, la cellulose, les céramiques… qui étaient fragiles ou rapidement attaqués par les insectes et les micro-organismes. Le plastique présente l’énorme avantage d’être très résistant à la dégradation biologique. Il est donc très durable d’un point de vue technique. L’évolution de l’économie après-guerre, en particulier aux États-Unis, nous a entraînés vers un système d’hyperproduction d’objets à durée de vie courte et de faible qualité. Les matériaux plastiques de l’époque répondaient à un besoin de légèreté, de prix faible et de facilité de mise en œuvre de la production. Mais en fait, ils pourraient aussi intégrer des objets dont la durée de vie est très longue, au même titre que certains métaux. D’ailleurs, dans les derniers développements des polyamides, les caractéristiques techniques sont telles qu’elles peuvent remplacer des pièces métalliques dans des moteurs automobiles. Dès lors, est-il nécessaire d’innover encore pour avoir des plastiques de plus en plus biodégradables, de plus en plus recyclables ou ne serait-il pas plus opportun de changer notre modèle économique vers la production d’objets à longue durée de vie ? Ceci réduirait fortement l’utilisation des ressources en matières premières et des ressources énergétiques.

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