Remplacer les plastiques à usage unique par des materiaux biodegradables ?

SV5
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Date de publication 04 mai 2020

Auteurs Viera, João S.C.; Marques, Mônica R.C.; Nazareth, Monick Cruz; Jimenez, Paula Christine; Castro, Ítalo Braga.

Sources On replacing single-use plastic with so-called biodegradable ones: The case with straws (2020). Environmental Science & Policy : 106, 177–181.

DOILink  https://doi.org/10.1016/j.envsci.2020.02.007

Résumé

Résumé :

La pollution plastique est une préoccupation environnementale mondiale et plusieurs approches ont été mises en œuvre pour réduire et contrôler les rejets de déchets plastiques, en particulier dans les milieux marins. Récemment, la publication de données sur l’apparition de pailles en plastique à usage unique parmi les déchets collectés dans les campagnes de nettoyage des plages a déclenché un mouvement mondial qui a abouti à l’interdiction de ces articles dans plusieurs pays.

Le marché a alors rapidement commencé à offrir des solutions alternatives plus durables comme les pailles en plastique dites « biodégradables ». Toutefois, les cas de « green washing » ajoutés aux limites actuelles des normes techniques pour attester de la biodégradabilité peuvent rendre ces mesures largement inefficaces. Ici, une étude de cas évaluant la composition des pailles en plastique commercialisées au Brésil et aux États-Unis avec des allégations de biodégradabilité a été utilisée comme toile de fond pour discuter de cette question négligée, qui va bien au-delà des pailles en plastique. En effet, les analyses ont montré que la majorité des pailles collectées dans cette étude sont en polymères pétrochimiques classiques (PE, PP) non biodégradables.

Ainsi, bien que certaines réglementations locales aient déjà interdit les produits plastiques à usage unique, des mesures supplémentaires à l’échelle régionale et mondiale devraient être mises en œuvre, en particulier en ce qui concerne l’étiquetage approprié des produits biodégradables.

Compte tenu de la résistance de la puissante industrie du plastique, les stratégies de gestion axées sur l’éducation du public pour développer un regard critique et l’encouragement au tri des déchets, sont peut-être notre meilleure chance de conduire un changement environnemental mondial positif. Les auteurs suggèrent d’inclure ce sujet dans les débats du Partenariat de la Convention de Bâle sur les déchets plastiques.

Avis The SeaCleaners :

Une prise de conscience mondiale.
Les collectes de déchets qui s’accumulent sur les plages mobilisent toujours plus de citoyens autour de la planète. Ceci a pour effet de rendre « palpables » pour le grand public les données sur la densité de pollution plastique et les types d’objets le plus fréquents dans les déchets. Il s’avère que les plastiques à usage unique arrivent dans le « top dix » des débris observés. Parmi ceux-ci, les pailles utilisées pour les boissons ont interpellé les consommateurs, car il s’agit d’objets avec un temps d’usage très court, de quelques minutes, et produits en quantité énorme au niveau mondial. Selon le National Geographic, 500 millions de pailles sont utilisées chaque jour. Si elles sont mises bout à bout, elles forment chaque jour une ligne qui fait plus de 2 fois le tour de la Terre. En 4 jours, cette ligne s’étend de la Terre à la lune… Pour répondre à cette prise de conscience des consommateurs, des législations bannissant les plastiques à usage unique ont été mises en place dans de nombreux pays.

La réponse des industriels.
Face à cette nouvelle réglementation, les industriels de la filière plastique ont demandé des délais de mise en place afin de mettre au point des solutions techniques. Toutefois, le consommateur n’a pas attendu l’entrée en vigueur de ces réglementations pour changer son comportement qui malheureusement n’est pas d’éviter d’utiliser des pailles, mais de choisir des alternatives prétendument durables : pailles réutilisables ou en matériaux biodégradables. Les industriels ont donc exploré leurs étagères sur lesquelles les innovations techniques, déjà développées, attendaient leur mise sur le marché. En effet, les plastiques biodégradables existent depuis bon nombre d’années et des alternatives à la fois biosourcées et biodégradables sont déjà connues et au point. Leur modèle économique n’est en revanche pas le même, car ces matériaux sont en général plus chers du fait des matières utilisées et des petits volumes de ces filières, avec donc peu de moyens de production.

De la non réglementation du terme « biodégradable »…
D’un point de vue marketing, la demande du consommateur qui ne souhaite pas se passer de paille est de disposer d’un moyen simple de savoir si sa paille est en matériaux biodégradables ou non. La solution immédiate est donc d’indiquer « biodégradable » sur l’emballage des pailles ou sur leur fiche produit. Est-ce que cette allégation doit être prouvée techniquement ? Au niveau réglementaire, la réponse est non. Le terme « biodégradable » n’est pas réglementé.Le caractère biodégradable fait référence à la possibilité des matériaux d’être décomposés par l’activité biologique. C’est-à-dire que les molécules organiques sont converties en biomasse et en CO2 pour le carbone, constituant majoritaire des plastiques. A terre, on considère que le processus de compostage est représentatif de la biodégradation. Il peut être de type industriel ou bien domestique. Des normes sont en cours d’établissement pour ces procédés, en particulier en Europe, qui ont mené à réglementer deux termes : « compostable » et « compostable à la maison », mais pas « biodégradable ». L’usage de ce terme relève donc de la seule éthique de l’industriel.

Un exemple factuel sur les pailles biodégradables.
L’étude présentée dans cet article décrit un audit sur plusieurs types de pailles dites biodégradables qui sont vendues au Brésil et aux USA. Elles ont été analysées en laboratoire pour identifier le type de polymère utilisé. Sur 8 produits, 7 sont composés de PP qui n’est pas biodégradable, 4 contiennent des additifs supposés apporter une biodégradabilité. Le dernier est en PLA qui est compostable industriellement, mais totalement non dégradable dans l’eau de mer. Sur les 4 polymères avec des additifs, 2 se réclament des normes ASTM qui correspondent pour l’une aux plastiques oxo-dégradables qui sont juste fragmentables et pour l’autre à aucune notion de dégradation. Le bilan de cette étude montre clairement que le consommateur est induit en erreur par l’allégation « pailles biodégradables » et ceci n’est pas hors la loi. La filière plastique est très morcelée avec un grand nombre d’acteurs. Le risque d’impact sur l’image de marque des sociétés est quasiment négligeable.

Sortir de la pensée économique linéaire implique d’intégrer l’éthique.
Dans l’exemple présenté ici, nous sommes toujours dans un flux économique linéaire consommateur de ressources et producteur de déchets. L’approche par économie circulaire vise plutôt à réutiliser les objets ou à recycler la matière, après avoir réduit l’hyperconsommation. Le caractère biodégradable peut nuire au recyclage. Il peut aussi nuire par l’image d’innocuité qu’il véhicule. C’est donc un changement de comportement qui est attendu du consommateur et des producteurs pour ne pas juste substituer une matière par une autre sans se poser de question sur le modèle économique sous-jacent et sans se poser la question de l’éthique. La réglementation ne fera pas tout.

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