Une aide du vent et des vagues pour faciliter la collecte de débris plastiques.

SV13
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Date de publication 22 juin 2020

Auteurs Ruiz, Irene; Basurko, Oihane C.; Rubio, Anna; Delpey, Matthias; Granado, Igor; Declerck, Amandine; Mader, Julien; Cózar, Andrés.

Sources Litter Windrows in the South-East Coast of the Bay of Biscay: An Ocean Process Enabling Effective Active Fishing for Litter (2020) Frontiers in Marine Science : 7

DOILink https://doi.org/10.3389/fmars.2020.00308

Résumé

Résumé :

Les régions de convergence à grande échelle des déchets marins flottants sont généralement observées dans les mers semi-fermées comme le golfe de Gascogne. Toutefois, les activités de nettoyage dans ces régions d’accumulation sont limitées par la densité des déchets flottants de grande taille à la surface de la mer. Les données recueillies par un petit bateau de pêche consacré à la collecte des débris flottants au printemps et à l’été 2018 révèlent que les stries linéaires de forte concentration en débris (communément appelés « andains » de détritus) sont des structures d’accumulation communes sur la côte sud-est du golfe de Gascogne. La recherche de ces structures pour collecter les déchets flottants grâce à un chalutage de surface s’est avérée être une action efficace. Au total, 196 collectes ont permis de recueillir 16,2 tonnes de déchets marins flottants en 68 jours ouvrables. La plupart des stries d’accumulation ont une longueur d’environ 1 km et, en moyenne, contiennent 77,75 kg de déchets. Les secteurs de la pêche, du transport maritime et de l’aquaculture sont à l’origine de 35% des 4 130 déchets analysés (55% en poids des articles d’origine) et le plastique était le type de matière le plus courant (96% en termes de nombre d’articles). Une meilleure compréhension du phénomène à l’origine de ces zones d’accumulation serait capable de guider les efforts de nettoyage dans l’espace et le temps, et apporterait une amélioration considérable de l’efficacité des mesures visant à réduire la pollution des déchets marins. Les observations des stries dans la zone côtière du sud-est du golfe de Gascogne démontrent le rôle clé de ces processus dans la distribution du débris flottants. Les travaux actuels fournissent une description détaillée, qui était inexistante à ce jour. Ces résultats sont le genre de preuve nécessaire pour stimuler la recherche sur les agrégations de déchets à cette échelle. Le couplage des observations de terrain avec la technologie de télédétection et les techniques de modélisation à haute résolution offrent de grandes possibilités pour les mesures de lutte contre les déchets marins.

Avis The SeaCleaners :

La majorité des débris plastiques retrouvés en mer provient de la terre.
L’activité maritime génère aussi des déchets plastiques, en particulier les fameux filets fantômes qui sont jetés ou perdus et continuent à dériver en mer pendant des années. Mais cette contribution reste minoritaire par rapport à tous les déchets qui résultent des activités côtières et de celles localisées sur les bassins versants des rivières. En effet, le développement historique des centres urbains s’est effectué autour des points d’eau, ressource essentielle à la vie et à l’agriculture. Il est donc assez logique de retrouver des zones fortement urbanisées le long des rivières. Avec le développement du tourisme de masse et l’attrait des zones côtières, ces dernières sont aussi de plus en plus urbanisées. Ce phénomène s’accompagne d’une augmentation significative de la pollution, même dans les pays développés.

Le devenir des déchets plastiques en mer reste encore l’objet de nombreux débats.
Lorsque les débits des rivières et des fleuves côtiers sont élevés, en période de crues, les quantités de débris plastiques transportées augmentent fortement. A leur arrivée dans l’estuaire, l’hydrodynamisme diminuant, les déchets ayant une flottabilité positive remontent à la surface et les autres sédimentent sur les fonds le long des côtes. Dans les modèles le plus récents, les déchets flottants semblent être poussés rapidement vers la côte pour s’échouer sur les plages. Ils subissent plusieurs cycles de remise en eau / échouage à la faveur des marées et du vent. De même les tempêtes favorisent la remise en suspension des déchets sédimentés sur les fonds qui peuvent, à nouveau, avoir l’opportunité de s’échouer. Pendant ces processus, la fragmentation des plastiques commence sous l’action de leur dégradation physicochimique et de l’effet mécanique des vagues.

La dérive de déchets plastiques en haute mer concerne une petite fraction des déchets.
Toutefois c’est un phénomène extrêmement variable. En période de temps calme, avec des vents qui soufflent vers la côte, les déchets apportés par les fleuves vont s’échouer rapidement et quasiment aucun ne va atteindre le large. En régime de vent inversé et/ou par temps de tempête, de nombreux déchets sont remis en suspension et peuvent intégrer des courants marins côtiers, de marées par exemple, qui vont les transporter au large. On pourrait alors penser que la dispersion va être importante du fait du simple principe d’entropie et donc générer des densités par km2 très faibles. C’est l’idée qu’on se faisait du milieu marin jusqu’aux années 1960, d’où les rejets d’eaux usées en mer et les décharges le long des côtes que la mer « nettoyait » régulièrement. Même les installations de nouvelles centrales nucléaires en bord de mer répondaient au double besoin en quantité d’eau importante et en dispersion de la radioactivité résiduelle des rejets.

Les études courantologiques ont montré qu’au lieu de se disperser, les polluants pouvaient aussi se concentrer.
C’est une des surprises que la nature nous réserve quand on croit la comprendre sans l’observer attentivement. Pourtant ces zones de concentration des déchets étaient connues dans les estuaires. On les nomme zones de confluence. Pour faire simple deux masses d’eau se font face, l’eau douce et l’eau salée, avec des mouvement turbulents verticaux qui font que les objets flottants sont poussés vers cette zone de chaque côté et ne peuvent donc plus en sortir. C’est là que le plancton se concentre et donc les poissons. Ces zones sont bien connues des pêcheurs. On les observe surtout dans les parties du globe qui ont des marées assez importantes, par exemple dans la Manche. Elles existent aussi au large du fait des grands courants marins de surface. La plus connue est la convergence antarctique, aussi nommée front polaire, où le krill est très abondant. Elle est créée par la rencontre des eaux tempérées qui viennent du nord et des eaux froides qui viennent du sud.

Des zones de convergences temporaires et à petite échelle apparaissent aussi dans toutes les mers.
Elles sont générées par l’action du vent et des vagues qui vont créer des turbulences verticales dont la rotation en sens opposé, comme des engrenages, induit des courants de surfaces en sens opposés très localement. Il en résulte la formation de zones de convergences qui peuvent faire quelques mètres à 100 m de large et parfois plusieurs km de long. Les débris flottants et les pollutions s’accumulent alors au centre de ces structures provoquant des surconcentrations locales très importantes particulièrement problématiques dans le cas de pollution chimique ou radioactive. Ces zones ont une durée de vie très variable, mais peuvent transporter des déchets sur de longues distances ou en contradiction avec la courantologie moyenne locale.

Le problème devient un atout pour la collecte des déchets plastiques.
Les auteurs de l’article cité en référence ont démontré que ces zones d’accumulation existaient dans le golfe de Gascogne. La pollution côtière en déchets plastiques est très importante dans certaines parties de ses côtes du fait de l’urbanisation et/ou de la forte activité touristique balnéaire. L’énergie des vagues de l’Atlantique qui entrent dans le golfe est très importante, d’où les nombreux spots de surf que l’on peut y trouver. Elles ont une capacité de dispersion des déchets à la côte qui est très élevée. Toutefois, par certaines conditions météorologiques des accumulations de Langmuir se forment plus au large. La pollution plastique diffuse de quelques kg/km2 se regroupe et génère des zones étroites où des densités atteignant 1 200 kg/km2 sont observées. Elles sont sous la forme de stries qui peuvent aller de quelques mètres de large sur plusieurs centaines de mètres à quelques kilomètres de long. La collecte des déchets flottants devient alors beaucoup plus efficace. Dans cette campagne de collecte 16 tonnes de déchets ont été ramassés.
Ce phénomène naturel est donc un cadeau de la nature qui mérite d’être apprécié et utilisé.

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