Bactéries mutantes dévoreuses de plastique : film d’horreur ou plan B contre la pollution plastique ?

Cette image a été généré par MidJourney, une intelligence artificielle

La pollution plastique est un traumatisme d'une force et d'une vitesse inédite pour les organismes vivants.
Des bactéries semblent avoir évolué en quelques décennies pour s'adapter à cette invasion. Un défi pour la science.

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Bactéries mutantes ? 

Tout commence en 2016, dans une mare de boue à Osaka, derrière une usine de recyclage de bouteilles plastiques. Des chercheurs japonais y font une découverte qui déroute la communauté scientifique internationale : une nouvelle espèce de bactérie, Ideonella sakaiensis, capable de manger du plastique PET grâce à ses enzymes de digestion.

Cette bactérie ouvre une véritable ruée scientifique. Des équipes de recherche du monde entier multiplient les révélations : des bactéries dévoreuses de plastique au sommet des Alpes, dans des marais en Chine, en Arctique…

Fast and furious : 400 espèces de champignons et bactéries ont évolué

Cependant, ces avancées laissent vite entrevoir des conclusions plutôt macabres : face à l’omniprésence de la pollution plastique, certaines bactéries se sont adaptées à un environnement dégradé par nos déchets et ont muté pour produire de nouveaux enzymes capables de digérer certains de ces plastiques.

Cette mutation est brutale et extrêmement rapide : 60 % de ces enzymes servant à la digestion des plastiques n’appartiennent à aucune classe connue.
À ce jour, plus de 400 espèces de champignons et bactéries dévoreuses de plastique ont déjà été identifiées dans le monde. Leur présence est proportionnelle à la quantité de pollution plastique environnante.

On vous spoile tout de suite la saison 2 : non, ces espèces ne vont pas mettre fin à la pollution plastique en se faisant un grand buffet à volonté dans les océans. Pour que ces bactéries naturelles soient utiles, elles devraient être modifiées génétiquement pour dégrader le plastique des centaines ou des milliers de fois plus vite. 

Cependant, la recherche industrielle s’est emparée du sujet et explore de nouvelles voies de recyclage du plastique. En laboratoire, naissent de « supers-enzymes » capables de décomposer plus rapidement les déchets plastiques ou des micro-organismes génétiquement modifiés censés rompre les chaînes de polymère. C’est le recyclage enzymatique. 

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Super-Enzymes : digérer du plastique à échelle industrielle

Aujourd’hui, quand on parle de recyclage traditionnel (ou mécanique), on fait souvent référence à du “décyclage”. Cette méthode implique de broyer les plastiques pour faire des paillettes qui seront fondues en un nouvel objet, ce qui rend la matière fragile et nécessite souvent d’ajouter du plastique vierge dans la matière finale.

Avec le recyclage enzymatique, par “digestion” des polymères, une fois que le plastique est décomposé par les enzymes, il ne disparaît pas, il est juste décomposé en molécules plus petites, les monomères de base. Ceux-ci peuvent ensuite être réassemblés pour fabriquer un plastique de qualité équivalente au plastique vierge.  

Les premières applications commerciales à grande échelle semblent encore loin mais l’un des précurseurs mondiaux du recyclage enzymatique, l’entreprise française Carbios, affirme que le recyclage enzymatique est une solution d’avenir pour la fin de vie du plastique.

« Carbios fait surtout la différence sur la circularité. Si vous achetez une bouteille recyclée à l’aide de procédés mécaniques, elle sera jetée après quelques réutilisations. Avec une tonne de plastique, nous produisons 97% de composants plastiques. Et nous pouvons réaliser 30 à 50 cycles là où le recyclage conventionnel est limité à trois à cinq. » 

Carbios affirme que son approche génère une empreinte carbone plus faible par rapport au PET vierge. La société calcule ainsi qu’elle peut économiser jusqu’à 46 % d’émissions de CO₂, par rapport à un plastique PET vierge en prenant compte sa fabrication et son incinération

Tout réinventer ? 

S’il peut faire partie d’une économie circulaire du plastique plus vertueuse, le recyclage enzymatique n’est pas la solution miracle à l’addiction de notre société au plastique à usage unique.
Avant même que ce procédé de recyclage ne devienne une alternative concrète au recyclage traditionnel, celui-ci doit dépasser les obstacles à son développement industriel.  

D’une part, le recyclage enzymatique ne concerne aujourd’hui que le PET, soit un plastique qui ne représente que 12 % des déchets plastiques mondiaux.
Exit donc tous les autres types de plastiques. Exit également les nombreux emballages multi-matières : alors qu’une simple étiquette peut rendre une bouteille plastique inapte au recyclage, il faut que les industriels fournissent un véritable effort pour mettre sur le marché des conditionnements standardisés et rationalisés pour contribuer aux efforts de recyclage.

D’autre part, ces approches restent bien plus coûteuses et gourmandes en énergie que la production à partir de plastique vierge – ce qui est un frein majeur à son adoption par les industriels. Si le coût et le gain économique du recyclage enzymatique ne sont pas compétitifs, alors il ne pourra pas concurrencer le recyclage classique.  

Enfin, tous les acteurs s’accordent sur le principal obstacle actuel à l’augmentation des taux de recyclage : les pratiques de collecte, d’acheminement et de traitement des déchets vers le recyclage doivent s’améliorer.
Ce sont des opérations coûteuses et gourmandes en main d’œuvre, ce qui incite à l’exportation des déchets vers des pays en voie de développement où le coût du travail est faible mais où les infrastructures de gestion des déchets sont moins développées. 

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Si les bactéries mutantes dévoreuses de plastique nous enseignent que la nature a des facultés d’adaptation parfois cyniques, le développement du recyclage enzymatique nous montre qu’aucune solution “magique” ne peut relever seule le défi de la pollution plastique.  

40 % des plastiques produits ne servent qu’une seule et unique fois avant de devenir des déchets. 81 % du plastique produit devient déchet en moins d’un an. Réduire cette pollution drastiquement exige de mobiliser tous les moyens : à la fois dans une approche curative (dont le recyclage, mais aussi le ramassage des déchets en mer et à terre), mais aussi préventive. Le meilleur déchet reste celui qui n’est pas produit. The SeaCleaners œuvre constamment sur ces deux fronts, et fait de l’action concrète sa réponse au double écueil du scientisme et de la résignation. 

 

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