CLS et The SeaCleaners : localiser les nappes de déchets flottants par satellite

CLS x TSC

Si une image vaut mille mots, elle peut aussi conduire à des conclusions hâtives et induire en erreur.

En matière de pollution plastique, la réalité est toujours plus complexe qu’il n’y paraît. Nappes de déchets flottants couvrant la surface des océans sur des centaines de mètres carrés, rivières charriant tellement de détritus que l’on ne distingue même plus l’eau, plages jonchées de débris… : ces images ont fait le tour du monde et ont contribué à alerter l’opinion publique mondiale sur la menace majeure que représente la pollution plastique. Mais elles ont aussi faussement donné l’impression que repérer les zones où l’on doit nettoyer ces déchets en grandes quantités était d’une simplicité enfantine. Après tout, il suffit d’ouvrir les yeux !

Vraiment ?

Savoir où chercher, pour mieux agir

Les recherches montrent que la pollution plastique océanique est un problème d’origine terrestre. Selon les études les plus récentes, le plastique représente 85 % de tous les déchets plastiques marins et jusqu’à 80 % proviennent de la terre. Si ces données font l’objet d’un consensus, la recherche scientifique est encore loin d’être unanime pour expliquer comment ce plastique passe de l’environnement terrestre à l’environnement marin, puis finit dans les océans : à quelle vitesse ? Par quelles voies ? Par quels mécanismes ?

Et, une fois en mer, comment les déchets dérivent-ils ? Où vont-ils ? Comment se dispersent-ils ? A quelle vitesse ? Dans quelle direction ? Comment prédire l’influence que vont avoir les courants marins, le vent, la saisonnalité, etc. sur l’éparpillement de ces déchets ?

Autant d’énigmes à résoudre pour qui veut agir efficacement contre la pollution marine. Heureusement, les études progressent dans la compréhension des endroits où les plastiques s’accumulent et se concentrent dans l’environnement fluvial et marin, tout comme les modèles de prévision de déversement du plastique dans l’océan.

L’observation de terrain sur de longues périodes de temps (plusieurs années) permet de répondre partiellement à ces questions. Mais il existe aussi aujourd’hui un arsenal de réponses technologiques, de plus en plus perfectionnées pour compléter notre savoir sur le sujet : les données satellitaires.

Définir les périmètres d’action du MANTA

Et dans ce domaine, le champion mondial est français et devient partenaire de The SeaCleaners ! Il s’agit de CLS (Collecte Localisation Satellites), filiale du CNES et de CNP. CLS est une société internationale, pionnière dans la fourniture de solutions d’observation et de surveillance de la Terre depuis 1986. Sa vision est d’imaginer et de déployer des solutions innovantes pour comprendre et protéger notre Planète, et gérer durablement ses ressources.

Dans le cadre de son partenariat avec The SeaCleaners, CLS mettra à disposition des résultats d’études sur la surveillance et la modélisation des dérives des déchets plastiques marins dans les eaux indonésiennes, ainsi que son expertise pour localiser les zones marines polluées en Indonésie, afin de préparer les futures zones d’intervention du MANTA (1).

Les données proviennent de 70 balises satellitaires connectées à la constellation Argos, déployées par CLS, à l’embouchure de trois fleuves indonésiens : le Cisadane à Jakarta, le Bengawan à Solo sur Java centre et le fleuve Musi à Palembang sur l’île de Sumatra. Ces balises permettent de véritablement traquer les nappes de déchets plastiques. Objectif : comprendre les mécanismes d’échouage et d’accumulation, leur impact sur les écosystèmes afin justement de prioriser et optimiser les collectes et nettoyages dans les rivières, sur les côtes et en mer.

La récupération toutes les heures des positions des balises permet de définir précisément la trajectoire de chaque balise une fois en mer.

Pour The SeaCleaners, accéder aux résultats de ces études est un enjeu majeur : il s’agit de savoir précisément quelles routes le géant nettoyeur des mers devra emprunter pour être le plus efficace possible dans sa mission de collecte des débris fluviaux et marins, tout en ayant une empreinte environnementale minimale. En un mot : comment optimiser les déplacements du MANTA, et à quelle période de l’année intervenir, pour avoir un impact visible dans les zones de forte concentration de déchets.

Le sujet des données satellitaires et de la modélisation de la dérive des déchets est passionnant. Pour expliquer les enjeux de ces technologies, au service de la protection des océans et de la lutte contre la pollution plastique, nous avons rencontré Marc LUCAS, Project Manager et Senior Oceanographer chez CLS et nouveau venu au sein du Conseil Scientifique International de The SeaCleaners.

« Nous travaillons sur deux types de données satellites :

  • Les satellites d’observation de la Terre qui apportent une meilleure compréhension du milieu marin en faisant un état des lieux environnemental sur la dérive des plastiques marins. Ils nous permettent de voir les grandes structures dynamiques qui organisent la circulation marine.
  • La télécommunication par satellite, qui se fait à l’aide de balises que l’on place sur des sujets (animaux, déchets plastiques,…), pour pouvoir suivre leur trajectoire en temps réel, et nous permettre de voir les zones d’accumulation… Ce sont des activités relativement nouvelles qui ont commencé dans les années 80. CLS est pionnier dans ce domaine grâce au système Argos qui a servi à suivre des bouées d’alimentation pour les réseaux météorologiques, ou encore des animaux marins, tels que les tortues, pour comprendre leur comportement, les endroits où ces espèces se reproduisent, leur migration…

Aujourd’hui, CLS travaille beaucoup avec l’Indonésie. Dans un premier temps parce que c’est un partenariat historique : nous travaillons depuis des années avec le gouvernement indonésien sur la gestion des ressources de la pêche. Mais aussi car l’Indonésie est le deuxième contributeur à la pollution marine dans le monde, après la Chine. Avec eux, nous travaillons en tant que soutien pour les former, leur apporter de nouvelles compétences afin qu’ils puissent à long terme être capables de gérer cette pollution plastique.

Et le travail que nous effectuons avec The SeaCleaners va essentiellement être de comprendre le déplacement des plastiques, voir où ils s’accumulent afin que les missions des bateaux dépollueurs (le MANTA et les MOBULA) soient les plus efficaces possible. On étudie également les trajets des déchets qui proviennent des fleuves et des rivières, pour connaître les zones d’accumulation, aussi bien en mer qu’à terre, sur des plages etc… Suivre les déchets en amont, avant qu’ils atteignent la mer, va nous permettre de mesurer l’efficacité des activités comme celles de The SeaCleaners, et pouvoir réagir rapidement dans des zones difficiles, telles que l’Indonésie. »

 

1 Etudes réalisées par CLS dans le cadre de prestations de services pour la Banque Mondiale (étude « Indonesia Marine Debris Monitoring and Modeling Initiative to Support the Protection of the Marine Environment ») et pour l’Institut pour la Recherche et le Développement (IRD), dans le cadre du projet FEXTE Indonésie AFD-IRD-MMAF (« Collecte de données océanographiques et mise en place d’une plateforme de modélisation et de simulation des débris plastiques marins dans les mers indonésiennes »)

 

 

 

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