Traité Mondial contre la Pollution Plastique : pourquoi vous ne pouvez pas ne pas vous y intéresser

Alors que 81 % des produits fabriqués en plastique dans le monde finissent en déchet en moins d’un an et que la production de plastique devrait doubler d’ici 2050, la pollution plastique, problème planétaire croissant, exige une réponse internationale urgente.

Cinquième session de l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement

1 tonnes de déchets toutes les 3 secondes

Environ 400 millions de tonnes de plastiques sont produites chaque année. 320 millions vont se transformer en déchets dans les 12 mois. 32% de ces déchets finiront dans la nature, quelque part dans le monde, soit environ 100 millions de tonnes… dont 15% qui iront dans les océans.  

On peut résumer cette avalanche de chiffres assez simplement : 1 tonne de déchets plastiques se déverse dans les océans toutes les 3 secondes. 

On commence seulement aujourd’hui à appréhender les répercussions multiples de cette pollution. La prise de conscience de ses externalités négatives sur l’environnement, tout particulièrement dans le milieu marin, a conduit nos sociétés à s’interroger sur leurs capacités à gérer les conséquences des usages du plastique. Tout comme le réchauffement climatique, elles ont fini progressivement par voir la réalité en face : si on attend trop longtemps pour réagir face à cette menace environnementale, les dégâts seront irréversibles, sur la biodiversité, sur le climat, sur notre santé, sur notre économie, sur les services océaniques écosystémiques qui rendent possible notre vie sur cette planète. 

La question se pose donc en termes aussi simples que pragmatiques : comment limite-t-on dès aujourd’hui les dégâts ?  

Horizon 2025 pour un traité juridiquement contraignant

Dans ce contexte, l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement a adopté, en mars 2022, une résolution historique, qui a ouvert la voie à la négociation d’un Traité mondial juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique.  

C’est le Global Plastic Treaty (GPT), qui va occuper les esprits et les discussions de toutes les organisations internationales environnementales et des ministères de l’environnement du monde entier pour les 2 prochaines années. 

Un Traité international de cette nature nécessite 2 à 3 ans de négociations internationales de haut-niveau. Schématiquement, et en éliminant les nuances, on peut dire que deux positions s’affrontent à l’heure actuelle sur le périmètre du GPT, avant même de parler des mesures à mettre en oeuvre : les pays qui souhaitent que cet instrument juridique se limite à la question de la limitation des déchets plastiques marins, et ceux qui souhaitent que l’accord traite de l’ensemble du cycle de vie du plastique, de sa production, en passant par son utilisation et jusqu’à son élimination. 

Le calendrier du GPT est le suivant : 

  • 1er cycle de négociations : décembre 2022 en Uruguay
  • 2ème cycle de négociations : 29 mai au 2 juin 2023 à Paris
  • 3ème cycle de négociations : du 13 au 16 novembre 2023 (Nairobi) 
  • 4ème cycle de négociations : avril 2024 (Canada) 
  • 5ème cycle de négociations : décembre 2024 (Corée du sud) 
  • Conférence diplomatique d’adoption de l’accord : 2025 (lieu à définir). 

 

Objectif : Zéro rejet direct dans l’environnement d’ici à 2040

Du 29 mai au 2 juin, aura donc lieu à Paris le 2ème cycle de négociations du Traité, plus connu sous le nom d’INC-2 (Intergovernmental Negotiating Committee).  

C’est l’opportunité pour The SeaCleaners de rappeler que notre organisation, aux côtés de la plupart des acteurs de la société civile, soutient un objectif international ambitieux dans ses objectifs et ses effectifs d’élimination de la pollution plastique dans tous les milieux naturels d’ici 2040.  

Objectif : « Zéro rejet direct dans l’environnement ».  

Pour cela, ce traité, sans faire le procès du plastique, devra bel et bien couvrir l’ensemble du cycle de vie du plastique, et pas seulement la question des déchets.  

Pour reprendre les mots de la directrice exécutive du PNUE, il s’agit pour le GPT de se positionner comme « l’accord multilatéral le plus ambitieux depuis l’accord de Paris ». De ne pas passer à côté de l’Histoire tout simplement ! 

Atteindre cet objectif d’éliminer tous les rejets de plastiques dans les milieux naturels d’ici 2040 passe nécessairement par une amélioration significative des systèmes de gestion des déchets partout dans le monde pour parvenir à 100 % de collecte et de traitement, au vu de la croissance annoncée du volume de plastiques à traiter et la situation actuelle de leur gestion notamment en Asie et en Afrique. 

Les combats de The SeaCleaners

La conférence INC2 à Paris ambitionne de faire progresser les négociations sur le fond, au-delà des sujets de gouvernance, et de mandater la rédaction d’une version zéro du traité en vue de INC-3 qui aura lieu en novembre à Nairobi. 

Cinq principes clefs commencent d’ores et déjà à faire consensus  

  • Développer l’économie circulaire 
  • Encourager l’écoconception 
  • Généraliser l’approche 3R (Réduction, Réemploi, Recyclage) et hiérarchiser les modes de gestion des déchets 
  • Adopter le principe du pollueur-payeur 
  • Instaurer le principe de précaution, appuyé par des preuves scientifiques sur le sujet santé.  

Parmi les mesures envisagées, The SeaCleaners suit de près l’élaboration des points suivants : 

  • Un objectif et/ou des mesures de réduction de la production et de la consommation de matières premières plastiques vierges 
  • Une liste de produits ou substances à interdire ou dont l’usage doit être restreint 
  • Une priorité donnée à la réduction des produits plastiques problématiques ou non nécessaires 
  • Une élaboration et harmonisation de standards/ critères / lignes directrices d’éco-conception pour la circularité (réutilisation, recyclabilité)
  • Une définition de la recyclabilité en pratique et à l’échelle 
  • Des dispositions sur l’information sur la composition des produits plastiques pour l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur.

 Le CESE a émis également un certain nombre de recommandations très intéressantes dont nous encourageons la lecture. 

En tant que membre de la coalition des ONG sur le GPT, The SeaCleaners aura sa place à la table des négociations, seul et au sein d’alliances transnationales et intersectorielles. 

Notre association défendra ses convictions pour réguler, réduire et progressivement éliminer la pollution plastique, au nombre desquelles : 

  1. Soutenir les solutions concrètes de collecte des déchets plastiques parmi le mix de solutions encouragées pour réduire les conséquences de la pollution plastique marine. Il s’agit non seulement d’espérer gérer la question de l’héritage des déchets plastiques, qui sont déjà dans l’eau et vont mettre des centaines d’années à se décomposer, mais aussi de donner à la société des perspectives positives d’amélioration de la situation à court et moyen terme ;
  2. Inscrire une responsabilité élargie du producteur, notamment dans les pays en développement, où les « pollueurs payeurs » devront financer des initiatives dans les territoires les plus vulnérables ;
  3. Affecter une partie de l’aide au développement des Etats à la lutte contre la pollution plastique dans les pays du Sud : ce sont ceux qui souffrent le plus de la pollution, et ceux qui ont été les moteurs de la coalition d’Etats la plus ambitieuse du GPT ;
  4. Placer la recherche scientifique au cœur de la gouvernance du Traité afin de fonder les décisions sur des données objectives, harmonisées et partagées et encourager l’élaboration des politiques fondées sur des données. Le rôle du futur GIEC des produits chimiques, des déchets et de la pollution, en cours de création, doit être valorisé dans le futur Traité. Ne pas laisser les plastico-sceptiques ralentir les débats comme les climato-sceptiques l’ont fait sur climat ; 
  5. Défendre le rôle de l’innovation et des technologies solutionnistes dans le GPT et accélérer le changement des systèmes sur l’ensemble du cycle de vie de la pollution plastique, de la source à la mer ;
  6. Promouvoir la justice environnementale : Donner la priorité à des opportunités économiques et d’emplois durables, en particulier au sein des communautés vulnérables, s’engager avec les communautés de travailleurs du secteur des déchets et promouvoir la valeur des connaissances locales pour accélérer la mise en œuvre de solutions innovantes tout au long de la chaîne de valeur du plastique, de la source à la mer ;
  7. Améliorer l’accès à un financement rapide et flexible pour les innovateurs tout au long de la chaîne de valeur, dans un contexte de lutte contre les déchets plastiques très sensible au temps ;
  8. Reconnaître, sauvegarder et promouvoir l’inclusion des innovations existantes dans les cadres réglementaires nationaux et mondiaux. 

« Tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli » : cette phrase de Victor Hugo résume à elle seule notre philosophie vis-à-vis de l’océan. On n’a pas le droit de se résigner et de rester immobile, tant que toutes les solutions n’ont pas été prises et explorées. C’est cette ligne de conduite qui nous animera tout au long des négociations du GPT. 

 

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