Yvan au One Ocean Summit : « L’heure est à la réparation des océans »

"C’est la 1ère fois, à ma connaissance, qu’un sommet international uniquement dédié à la problématique de l’océan affichait une telle ambition, en termes de représentativité et d’exhaustivité des thématiques traitées."

« Nous étions ainsi près de 700, venus de 40 pays, réunis à Brest du 9 au 11 février, pour ‘relever collectivement le niveau d’engagement de la communauté internationale sur les sujets maritimes et traduire en actions concrètes notre responsabilité partagée sur l’Océan’. Scientifiques, juristes, acteurs économiques et régionaux, chefs d’entreprises, chefs d’États et de gouvernements, agences gouvernementales, organisations non gouvernementales et internationales, professionnels de la mer : tout le monde avait répondu à l’appel de la France qui, dans le cadre de sa présidence du Conseil de l’Union européenne, souhaite laisser une empreinte visible sur l’agenda mondial de la protection de l’environnement.

A l’issue de ces 3 jours d’ateliers, débats, forums, prises de paroles, déclarations, appels divers et variés (dont L’Appel des Marins pour les Océans, auquel j’ai participé), qu’ai-je retenu de ce premier One Ocean Summit ?

De la mobilisation, des annonces tous azimuts mais peu de changements réels face à l’urgence des menaces qui pèsent sur le plus vaste écosystème de la planète : le sommet a été une très belle vitrine pour mettre en valeur des initiatives inspirantes, porteuses d’espoir, mais je ne peux contenir une certaine déception en constatant que nombre de sujets ne progressent pas plus vite. La plupart des engagements se situent au mieux à l’horizon 2030, voire 2040, mais on attend toujours les actions volontaristes immédiates pour 2025. Ce sommet a eu des vertus mais pas forcément d’impact mesurable, ce qui contraste avec le message d’ouverture, qui était « il y a urgence absolue à passer à l’action, l’état des mers est alarmant ! »

On parle beaucoup de prévention, et c’est essentiel, mais on parle peu de restauration ou de réparation des océans : évidemment, contenir les dommages, prendre des mesures pour faire en sorte que l’état des océans ne s’aggrave pas, ralentir la dégradation, tout cela est essentiel. Mais quid de la réparation des dégâts existants ? Ne serait-ce que sur le sujet de la pollution plastique, dont j’ai fait mon combat : en un peu plus de 50 ans, l’homme a répandu entre 86 et 150 millions de tonnes de plastique dans les océans, avec un impact nuisible sur la biodiversité, notre santé, l’économie, la capacité des océans à produire de l’oxygène, piéger le carbone, réguler le climat, etc. dont on ne mesure que partiellement la gravité et qui va s’étendre sur des centaines d’années ! Que faisons-nous pour nettoyer cet ‘héritage’ du passé ? A quand des engagements financiers et des moyens matériels concrets pour aider les acteurs non-gouvernementaux, qui développent des solutions, à agir dans ce domaine ?

Je veux saluer néanmoins les propos de bonne volonté et les quelques avancées concrètes du sommet, comme l’élargissement des aires marines protégées en France, qui va permettre de protéger 50 millions d’oiseaux marins, ou le fait que la coalition qui porte l’ambition d’atteindre 30% d’aires marines protégées à l’échelle de la planète se soit significativement élargie et soit passée à 83 pays. C’est un outil qui devrait peser dans la perspective de la COP15 sur la biodiversité qui se tiendra cet été en Chine. A noter également les efforts de l’industrie maritime : les dirigeants des quatre grandes compagnies de transport maritime se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, voire à devenir neutres en carbone d’ici quelques années.

Le principal espoir vient des décisions diplomatiques réelles qui ont été prises à l’occasion du sommet : par exemple, la mise en place d’une coalition de bonne volonté pour lutter contre la pollution plastique. Le traité international sur les plastiques, qui occupe de plus en plus de place sur l’agenda onusien, bénéficie ainsi d’un soutien accru de la part des Etats, malgré quelques divergences persistantes. Il faut d’ailleurs saluer la mobilisation des 800 organisations signataires, dont The SeaCleaners, qui accélère la naissance de ce traité contraignant sur l’ensemble de la chaîne de valeur des plastiques, depuis la réduction des déchets, au recyclage, en passant par l’interdiction des objets à usage unique.

Des positions communes ont été renforcées en vue de la dernière ligne droite d’autres grandes négociations qui sont en cours depuis des années, et devraient aboutir en 2022 : sur la Haute Mer, sur la protection de la biodiversité et des mangroves, sur la lutte contre la pêche illégale, sur la décarbonation des transports maritimes, sur le changement climatique, sur le fait d’accorder à l’Océan le statut de Bien Commun de l’Humanité…. Elles devraient créer une impulsion politique forte pour aboutir à des traités internationaux contraignants.

Pas de ‘révolution bleue’ historique lors de ce One Ocean Summit, mais des petits pas dans la bonne direction que nous reconnaissons et saluons. Grâce au soutien de nos partenaires, toute l’équipe de The SeaCleaners reste mobilisée et « à la bagarre » en vue des prochains rendez-vous à venir. Nous pensons que c’est par des actions concrètes, à l’impact visible, que nous éveillerons les consciences, mobiliserons les énergies et contribuerons au changement. Merci de votre soutien ! »

       – Yvan Bourgnon, Président et fondateur de The SeaCleaners

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Les autres avancées notables contre la pollution plastique du One Ocean Summit

  • La Banque européenne de reconstruction et de développement a rejoint la Banque européenne d’investissement et les banques de développement française (AFD), allemande (KfW), italienne (CDP), espagnole (ICO) dans la plus importante initiative dédiée à la réduction des pollutions plastiques en mer au travers de la Clean Oceans Initiative. Ensemble, elles ont doublé leur intervention dans ce secteur en s’engageant à apporter un total de 4 Md€ de financement d’ici 2025.
  • La meilleure façon d’assurer que les déchets n’atteignent pas l’océan, c’est encore de ne plus en produire. Pour accélérer la transition vers une économie circulaire qui vise 100 % de réutilisation ou de recyclage des matières plastiques et l’abandon de toutes les utilisations à usage unique, l’engagement mondial pour une nouvelle économie des plastiques, porté par la fondation Ellen MacArthur et le Programme des Nation Unies pour l’Environnement, rassemble Etats, collectivités, entreprises et ONG. La Grèce, l’Italie, la Colombie, la Corée du Sud, la Ville de Paris et la Région maritime de Grèce-Centrale ont ainsi rejoint l’« engagement mondial pour une nouvelle économie des plastiques » et 500 signataires du monde entier dont 250 entreprises.
  • L’Inde et la France ont lancé une initiative multilatérale sur l’élimination de la pollution due au plastique à usage unique.

 

La France de son côté a annoncé des engagements pour lutter davantage contre la pollution des océans :

 

  • Elle s’engage à traiter sous 10 ans les décharges abandonnées de ses littoraux présentant des risques de rejets en mer de déchets notamment plastiques. Trois d’entre-elles, présentant une situation est particulièrement urgente, seront traitées dès cette année 2022 : celles de Dollemard en Seine-Maritime, de Fouras en Charente-Maritime et de l’Anse Charpentier en Martinique.
  • La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire met la France sur la trajectoire d’une sortie des emballages en plastique à usage unique à l’horizon 2040.

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