Du plastique ! Mais combien, et d’où vient-il ?

Date de publication 01 novembre 2021

Auteurs UNEP

Sources From pollution to solution - a global assessment of marine litter and plastic pollution

DOILink https://www.unep.org/resources/pollution-solution-global-assessment-marine-litter-and-plastic-pollution

Résumé

[…] Cette évaluation décrit les impacts profonds des plastiques dans nos océans et à travers la planète. Les plastiques sont un marqueur de l’ère géologique actuelle, l’Anthropocène (Zalasiewicz et al. 2016). Ils ont donné leur nom à un nouvel habitat microbien connu sous le nom de plastisphère (Amaral-Zettler et al. 2020 ; voir Glossaire). Une prise de conscience accrue des impacts négatifs des microplastiques sur les écosystèmes marins et la santé humaine a conduit à les appeler un type de « Océan PM2,5 » en référence à la pollution de l’air (c’est-à-dire des particules de moins de 2,5 micromètres [μm] de diamètre) (Shu 2018). Avec une production mondiale cumulée de plastique primaire entre 1950 et 2017 estimée à 9 200 millions de tonnes et qui devrait atteindre 34 milliards de tonnes d’ici 2050 (Geyer 2020), les problèmes les plus urgents à résoudre maintenant sont de savoir comment réduire le volume des flux de déchets incontrôlés ou mal gérés se déversant dans les océans (Andrades et al. 2018) et comment augmenter le niveau de recyclage. Sur les 7 milliards de tonnes de déchets plastiques générés à ce jour dans le monde, moins de 10 % ont été recyclés (Geyer 2020). […]

L’évaluation vise à répondre à quatre questions clés pour aider à orienter les actions futures :

  • Que peuvent nous dire les nouvelles recherches et preuves sur les impacts environnementaux et sur la santé humaine des déchets marins et de la pollution plastique ?
  • Quelles sont les dernières connaissances sur les sources, les voies, le comportement et le devenir des déchets marins, en particulier les plastiques ?
  • Quelles sont les approches de terrain, de laboratoire et de modélisation les plus efficaces pour la surveillance et la mesure des sources, des voies, du comportement et du devenir des déchets marins et de la pollution plastique
  • Quelles réponses et actions en cours, technologies environnementales et solutions commerciales existent pour s’attaquer à ce problème mondial urgent ?

Continuez à lire le rapport de l’UNEP pour plus d’informations

Avis TSC

Contexte

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) vient de publier le rapport « De la pollution à la solution – Une évaluation mondiale des déchets marins et de la pollution plastique ». The SeaCleaners, en amont de sa table ronde « An Abyss of Plastic Wisdom, A Solutions-Oriented Dialogue », qui fait partie du laboratoire de la Décennie des Nations Unies « Un océan propre », se propose d’examiner trois des enjeux abordés dans ce rapport, qui sont importants pour notre communauté. Toute la série sera basée sur ce dernier rapport d’évaluation du PNUE qui fait figure de référentiel sur la « sagesse plastique » dans le monde. Le présent texte est donc le premier de ces trois SeaView dédiés à l’analyse de ce rapport.

Introduction

La présentation interactive du rapport d’évaluation « De la pollution à la solution – Une évaluation mondiale des déchets marins et de la pollution plastique » l’affirme sans détour mais de manière nécessaire :

Sans action urgente, les 11 millions de tonnes de plastique qui entrent actuellement dans l’océan chaque année tripleront au cours des vingt prochaines années.

Cela signifierait qu’entre 23 et 37 millions de tonnes de plastique se déverseraient dans l’océan chaque année d’ici 2040.

Cela équivaut à 50 kilogrammes de plastique par mètre de côte dans le monde

Mais d’où vient ce plastique et comment estimer la part de volume qui atteint l’océan ? Les sources sur l’origine des déchets plastiques sont claires et bien illustrées dans la figure suivante :


Des plastiques ont été trouvés du sommet du mont Everest à la fosse des Mariannes, dans la glace, l’eau douce, les lacs, les rivières, les océans et l’air (macro plastiques, microplastiques et nano plastiques). Toutes les matières plastiques proviennent d’abord de la terre sous diverses formes et sont issues de notre consommation et de nos modes de vie. Du fait de notre comportement face à cette matière plastique, une partie du plastique, mal gérée, finit par s’accumuler sur terre et en mer en tant que déchets. La quantité mal gérée est alors étiquetée comme provenant de sources terrestres ou maritimes selon l’endroit où elles ont été déversées. Malheureusement, la production de plastique continue de croître, et de même la partie mal gérée. Cette accumulation, qui a débuté dans les années 1950, est difficile à quantifier et à comprendre en raison des systèmes très complexes dans lesquels se trouvent les plastiques.

Le rapport de l’UNEP indique :

Le volume de plastique dans les océans, qui a été calculé par un certain nombre de chercheurs au cours des cinq dernières années environ, est estimé entre 75 et 199 millions de tonnes (Jang et al. 2015 ; Ocean Conservancy et McKinsey Center for Business et Environnement 2015 ; Law 2017 ; IRP 2019 ; Lebreton et al. 2019 ; Borrelle et al. 2020 ; Lau et al. 2020 ; The Pew Charitable Trusts et SYSTEMIQ 2020).

Pourquoi est-il si difficile d’avoir un chiffre plus précis ?

Premièrement, il est difficile de comprendre les voies empruntées par les déchets plastiques mal gérés avant qu’ils atteignent les océans. Deuxièmement, les protocoles de mesure des déchets ne sont pas toujours cohérents d’une étude à l’autre. Aucune méthode standardisée de caractérisation n’a encore été décidée au sein de la communauté scientifique pour que les études puissent être comparées entre elles. Il en va de même pour le reporting des données. L’essentiel de l’analyse de flux provient donc de modélisations, réalisées avec différents jeux de paramètres (voir tableau 1 du rapport), et ce dans des environnements dynamiques très complexes.

Dans le tableau ci-dessus, il est montré que l’essentiel de l’analyse provient de modélisations, avec différents jeux de paramètres, dans des environnements dynamiques très complexes. Les paramètres utilisés dans les modèles sont décrits dans la colonne « approche utilisée », qui détermine les émissions estimées de déchets plastiques (première colonne), tout en considérant les sources terrestres (deuxième colonne), et en prédisant les émissions de déchets plastiques (troisième colonne). Ce tableau montre à quel point des approches toutes légitimes, mais différentes, offrent des résultats disparates. Chaque méthode aide à comprendre le système de déchets plastiques et comment il réagit aux différents ensembles de paramètres et de modèles. En fin de compte, en examinant les chiffres, les données de départ et les résultats, et en intégrant des observations de terrain et des mesures réelles, les modèles peuvent être affinés et permettre d’aboutir à des prédictions fiables.

Le problème se complique d’autant plus lorsque nous étudions la question de l’entrée non seulement du macro-plastique mais aussi du microplastique dans l’océan. Leurs sources sont différentes, leurs voies également, et certains des microplastiques résultent de la décomposition de morceaux plus gros, donc autrefois considérés comme macro-plastiques. Ils sont alors qualifiés de microplastiques secondaires.

Selon le rapport, il existe quatre voies principales d’entrée dans les océans pour les macro-plastiques (The Pew Charitable Trusts et SYSTEMIQ 2020) :

  • les déchets non collectés directement déversés dans l’eau ;
  • les déchets non collectés déversés sur les terres qui se dirigent vers l’eau ;
  • les déchets collectés déposés dans les décharges qui se déplacent via la terre et l’air dans l’eau ; 
  • les déchets collectés déversés directement dans l’eau par les camions de collecte.

Pour les microplastiques, le rapport indique que les microplastiques primaires peuvent provenir directement des installations par le biais de fuites ou lors du transport (accidents), tandis que les microplastiques secondaires, en plus de se décomposer à partir des morceaux plus gros, peuvent provenir des lixiviats des décharges, des bio-boues des stations d’épuration et des exploitations agricoles. (Mason et al. 2016 ; Mahon et al. 2017 ; Li et al. 2018 ; Cowger et al. 2019 ; He et al. 2019 ; Sun et al. 2019)

Cependant, la conclusion n°6 du rapport d’évaluation indique que : les principales sources de déchets marins et de pollution plastique sont d’origine terrestre (par opposition aux activités maritimes) et le PNUE estime que 80 % des déchets marins proviennent de sources terrestres. Nous devons donc d’abord mieux contrôler les voies terrestres.

Selon le rapport actuel, les trois quarts des 7 000 millions de tonnes cumulées de plastique produites qui sont devenues des déchets entre les années 1950 et 2017, soit 5 250 millions de tonnes, ont été jetées et placées dans des décharges. Elles font donc partie du flux de déchets incontrôlés et mal gérés, ou ont été jetées ou abandonnées dans l’environnement, y compris en mer. Le problème est que la production mondiale devrait augmenter et atteindre 11 milliards de tonnes par an d’ici 2050 si nous poursuivons notre trajectoire sans mesure drastique (Geyer 2020).

Au-delà de son origine, pourquoi est-il si important de connaître cette fraction de déchets perdus et particulièrement celle déversée ou abandonnée dans l’environnement ?

Nous en avions déjà discuté lors d’un dernier SeaView : la connaissance plus approfondie des sources et des voies d’acheminement des déchets mal gérés permet d’atténuer le problème grâce aux placements de poubelles là où elles manquaient, à la sensibilisation des communautés, ou à la compréhension des sources de déchets.

Pour les ONG qui recherchent des solutions curatives comme The SeaCleaners, il est de la plus haute importance de déterminer où se trouvent les nappes de plastiques. Une combinaison d’observations sur site, liées aux observations satellitaires et aux estimations et prédictions des dérives possibles des nappes à partir de modèles, nous donne des éléments factuels permettant d’agir efficacement et de manière ciblée avec des moyens de collecte, et de réhabiliter autant d’écosystèmes que possible en un minimum de temps.

Avec une production mondiale cumulée de plastique entre 1950 et 2050 qui devrait atteindre 34 milliards de tonnes, il est urgent de réduire la production mondiale de plastique et les flux de déchets plastiques dans l’environnement. (PNUE, 2021)

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le problème existe, on sait qu’il atteint des proportions critiques même si les estimations varient d’une étude à l’autre, et ce problème est énorme. Bien qu’imparfaitement, nous savons que ce fléau affecte la faune, les animaux et les plantes et, peut-être plus important encore, le producteur primaire de notre oxygène et notre principal puits de carbone qu’est l’océan.

La recherche montre que le problème est omniprésent et qu’il s’agit d’une véritable bombe à retardement. Tandis que notre mode de vie et nos flux industriels continuent de produire et de demander plus de plastiques, toujours plus de déchets sont générés et toujours plus d’écosystèmes sont menacés.

Pour être en mesure d’aborder efficacement un problème, nous devons le comprendre. Bien que la recherche soit encore en train d’établir des chiffres exacts, les résultats, même imparfaits, doivent être utilisés comme base par les décideurs politiques afin de mettre en place des réglementations au niveau régional, national et bien sûr aussi à l’échelle mondiale, car le problème concerne l’humanité tout entière. Des actions de terrain peuvent également être mises en place grâce aux recherches publiées au fur et à mesure qu’un éveil des consciences émerge au sein du grand public. Ce même public peut désormais exiger que les industries et les décideurs politiques agissent pour empêcher cette pollution plastique de se perpétuer afin que la santé de nos écosystèmes puisse être lentement restaurée.

Restez connecté.es pour le prochain SeaView la semaine prochaine et suivez notre table ronde le 19 novembre!

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